Arrêt nº 4C.126/2003 de Ire Cour de Droit Civil, 18 juillet 2003

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Date de Résolution18 juillet 2003
SourceIre Cour de Droit Civil

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129 III 618

98. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause X. contre Y. (recours en réforme)

4C.126/2003 du 18 juillet 2003

Faits à partir de page 619

BGE 129 III 618 S. 619

Y. exploite un domaine agricole. De 1996 à 1999, il a engagé X., un travailleur portugais, en qualité de saisonnier durant les mois de mars à décembre.

Afin de permettre à X. d'obtenir pour l'année 2000 une autorisation de séjour et de travail annuelle (permis B), les parties ont signé, le 27 août 1999, un contrat de travail pour employé agricole. Celui-ci prévoyait un engagement de durée indéterminée avec entrée en fonction le 1er janvier 2000, pour un salaire mensuel brut de 3'582 fr.

Sur la base de ce contrat, l'office cantonal compétent a délivré à X. une autorisation de séjour et de travail annuelle valable du 13 mars 2000 (soit à l'échéance du dernier permis saisonnier) au 12 décembre 2000.

X. a refusé la proposition de Y., qui n'avait pas de travail pour lui en hiver, de louer ses services à un autre agriculteur à partir du début du mois de janvier 2000.

Le 15 mars 2000, X. est venu reprendre son emploi chez Y. et, le 15 avril 2000, les parties ont signé un nouveau contrat de travail d'une durée déterminée allant du 15 mars au 15 décembre 2000 pour un salaire mensuel brut de 2'920 fr., rémunération qu'a touchée X. sans protester durant l'année 2000.

A la suite d'un accident, X. a été incapable de travailler jusqu'en mai 2001. Il a alors offert ses services à Y., qui les a refusés.

X. a déposé une demande en paiement à l'encontre de Y., en fondant ses prétentions sur le contrat du 27 août 1999.

Dans un premier temps, le litige a été limité au point de savoir quel était le contrat de travail applicable.

Le tribunal de première instance a considéré que Y. restait obligé à l'égard de X. en vertu du contrat du 27 août 1999 et que le procès devait se poursuivre. Admettant le recours formé par Y., la chambre des recours du tribunal cantonal a considéré au contraire que, sur la base du contrat du 15 avril 2000, la demande de X. devait être rejetée. Ce dernier a déposé un recours en réforme au Tribunal fédéral.

Extrait des considérants:

Extrait des considérants:

2. La chambre des recours a déclaré que les rapports de travail entre les parties étaient régis par le contrat du 15 avril 2000, que ceux-ci avaient pris fin le 15 décembre 2000 et que, en conséquence, les conclusions du demandeur devaient être rejetées. Les juges ontBGE 129 III 618 S. 620

considéré en substance que le contrat signé le 27 août 1999, soumis à l'autorité administrative en vue de la délivrance d'un permis B, n'avait jamais été exécuté. Celui-ci avait été résilié conventionnellement, les deux parties y ayant renoncé et passé, le 15 avril 2000, un nouveau contrat de travail de durée déterminée, qui a été exécuté jusqu'à son échéance au 15 décembre 2000 et qui correspondait aux exigences de l'art. 9 de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE; RS 823.21).

3. Parallèlement à la violation de diverses dispositions de droit fédéral, le demandeur reproche à la chambre des recours d'avoir procédé à une appréciation juridique erronée des faits au sens de l'art. 43 al. 3 (recte: al. 4) OJ, dans la mesure où elle a estimé qu'il y avait eu résiliation conventionnelle du contrat du 27 août 1999.

L'appréciation juridique des faits, qui n'est autre en définitive qu'une forme de violation du droit fédéral (cf. POUDRET, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, Berne 1990, n. 5 ad art. 43 OJ), ne doit pas être confondue avec l'appréciation des preuves et la constatation des faits en découlant, qui ne peuvent, sous réserve d'exceptions non invoquées en l'espèce (cf. art. 63 al. 2 et 64 OJ), être revues dans un recours en réforme (ATF 127 III 543 consid. 2c p. 547;ATF 126 III 189 consid. 2a). Or, déterminer la volonté réelle et commune des parties de conclure un contrat est une question de fait (ATF 126 III 25 consid. 3c p. 29, 375 consid. 2e/aa p. 379;ATF 125 III 305 consid. 2b p. 308). A fortiori, il en va de même de la volonté réelle des parties de mettre fin ou de modifier un contrat.

En l'occurrence, la chambre des recours a établi la réelle et commune intention des parties, lorsque, sur la base des éléments de fait à sa disposition, elle a retenu que celles-ci avaient résilié conventionnellement le contrat du 27 août 1999 et avaient, d'un commun accord, passé un nouveau contrat de travail le 15 avril 2000. Ce faisant, elle a procédé à une appréciation des preuves que le demandeur ne peut, sous le couvert de l'art. 43 al. 4 OJ, remettre en cause dans son recours en réforme (cf.ATF 119 II 84 consid. 3 p. 85).

Le grief tiré de l'art. 43 al. 4 OJ est donc irrecevable.

4. Le demandeur reproche à la chambre des recours d'avoir méconnu l'art. 9 OLE, ainsi que les art. 341 al. 1 et 342 al. 2 CO, en considérant que les rapports de travail entre les parties étaient régis par le contrat du 15 avril 2000 et non par celui du 27 août 1999.

BGE 129 III 618 S. 621

L'application de l'un ou l'autre de ces contrats est déterminante pour le sort des prétentions du demandeur. En effet, le contrat du 15 avril 2000 a une durée dans le temps limitée à neuf mois, allant du 15 mars au 15 décembre 2000, et porte sur une rémunération mensuelle brute de 2'920 fr. L'accord du 27 août 1999 se présente en revanche comme un contrat de durée indéterminée et prévoit un salaire mensuel brut de 3'582 fr. Il ressort de l'arrêt entrepris que l'employeur a respecté les termes de l'accord du 15 avril 2000. Le litige revient ainsi à examiner si le demandeur peut se prévaloir des conditions fixées dans le contrat du 27 août 1999 s'agissant du salaire d'une part et de la durée indéterminée des relations de travail, d'autre part, attendu qu'il a été constaté que les parties ont, d'un commun accord, résilié ce contrat et qu'elles l'ont remplacé par celui d'avril 2000.

5.

5.1 En ce qui concerne la rémunération, il faut souligner que, comme la prise d'emploi du demandeur en Suisse est soumise à une autorisation administrative, la liberté contractuelle des parties relative à la fixation du salaire s'en trouve limitée (cf. WYLER, Droit du travail, Berne 2002, p. 110; STAEHELIN, Commentaire zurichois, n. 16 ad art. 342 CO). Le Tribunal fédéral a précisé, dans un arrêt de principe, que l'art. 9 OLE déploie des effets de droit civil, dans le sens où cette disposition oblige l'employeur à respecter les conditions qui assortissent l'autorisation délivrée, en particulier à verser le salaire approuvé par l'autorité administrative; le travailleur dispose alors d'une prétention qu'il peut faire valoir devant les juridictions civiles, conformément à l'art. 342 al. 2 CO (ATF 122 III 110 consid. 4d p. 114 s. et les références citées).

L'art. 342 al. 2 CO est l'une des dispositions auxquelles il ne peut être dérogé ni au détriment de l'employeur ni à celui du travailleur (art. 361 al. 1 CO). Il en découle que la clause du contrat individuel de travail prévoyant un salaire inférieur au salaire fixé par l'autorité administrative compétente, en application de l'art. 9 OLE, est entachée de nullité ex lege (art. 361 al. 2 CO; arrêts du Tribunal fédéral 4C.239/2000 du 19 janvier 2001, consid. 2a; 4C.249/2000 du 18 décembre 2000, consid. 3b; 4C.448/1996 du 16 septembre 1997, consid. 1b). Le juge civil est alors lié par les conditions de rémunération fixées concrètement dans l'autorisation administrative délivrée pour un emploi donné (ATF 122 III 110 consid. 4d p. 115). Dès lors que la décision administrative est entrée en force, le travailleur a droit au salaire fixé et il n'y a plus à prendre en considération ni accordBGE 129 III 618 S. 622

individuel ni convention collective (arrêt 4C.239/2000 précité, consid. 2a). En outre, comme il appartient à l'autorité administrative compétente d'arrêter définitivement le salaire conforme à l'art. 9 OLE (arrêts précités 4C.249/2000, consid. 3b; 4C.448/1996, consid. 1b), il importe peu que la rémunération contractuelle, bien qu'inférieure au salaire fixé par l'autorité administrative, dépasse le salaire usuel dans la branche pour l'emploi considéré (arrêt 4C.448/1996 précité, consid. 1b; contra AUBERT, Note in SJ 1990 p. 664 s.).

Il ressort de l'arrêt attaqué que le contrat du 27 août 1999 a été soumis à l'autorité administrative en vue de la délivrance d'un permis B et que cet accord a été à la base de l'autorisation administrative octroyée le 26 novembre 1999. Conformément aux principes précités, la chambre des recours aurait donc dû constater la nullité de la clause salariale prévue dans le contrat subséquent du 15 avril 2000 et se fonder sur la rémunération résultant de l'accord du 27 août 1999. Le fait que le salaire convenu en avril 2000, bien qu'inférieur à celui prévu dans le contrat du 27 août 1999, puisse correspondre aux exigences de l'art. 9 OLE n'est pas déterminant en regard de la jurisprudence susmentionnée. En outre, le salaire étant nul, il n'y a pas de place ici pour l'application de l'art. 18 al. 1 CO relatif à la simulation (cf. arrêts précités 4C.239/2000, consid. 2a; 4C.249/2000, consid. 3b; 4C.448/1996, consid. 1b), contrairement à ce que soutient le défendeur.

5.2 Quant à l'existence d'un abus de droit (art. 2 al. 2 CC) également invoqué par le défendeur, seules des circonstances tout à fait...

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