Arrêt nº 2A.520/2002 de IIe Cour de Droit Public, 17 juin 2003

Conférencierpublié
Date de Résolution17 juin 2003
SourceIIe Cour de Droit Public

Text Publié

Chapeau

129 II 497

49. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause Entreprises Electriques Fribourgeoises (EEF) contre Watt Suisse AG, Fédération des Coopératives Migros et Commission de la concurrence ainsi que Commission de recours pour les questions de concurrence (recours de droit administratif)

2A.520/2002 du 17 juin 2003

Faits à partir de page 498

BGE 129 II 497 S. 498

BGE 129 II 497 S. 499

BGE 129 II 497 S. 500

BGE 129 II 497 S. 501

A.- La société Entreprises électriques fribourgeoises (ci-après: EEF) était, selon l'art. 1er de l'ancienne loi fribourgeoise du 18 septembre 1998 sur les Entreprises électriques fribourgeoises (LEEF ouBGE 129 II 497 S. 502

loi de 1998 sur les EEF; en vigueur du 1er avril 1999 au 31 janvier 2001), un établissement de droit public distinct de l'Etat, ayant qualité de personne morale. Par la loi du 19 octobre 2000 sur le statut des Entreprises électriques fribourgeoises et de leur Caisse de pensions (LSEEF ou loi de 2000 sur le statut des EEF; acceptée en votation populaire le 10 juin 2001 et entrée en vigueur le 1er janvier 2002), la société EEF a été transformée en société anonyme selon les art. 620 ss CO. Elle produit de l'électricité et exploite un réseau électrique dans le canton de Fribourg.

La Fédération des Coopératives Migros (ci-après: Migros) possède des filiales dans le canton de Fribourg, notamment Estavayer Lait SA (ci-après: ELSA) à Estavayer-le-Lac et Micarna SA (ci-après: Micarna) à Courtepin. Ces deux sociétés sont approvisionnées en énergie électrique par EEF. En 1999, Migros a conclu (notamment pour ses sites de production sis dans le canton de Fribourg) un contrat de fourniture en énergie électrique avec Watt Suisse AG (ci-après: Watt). Les sociétés ELSA et Micarna ont résilié les contrats de livraison d'énergie qui les liaient à la société EEF d'une part et demandé d'autre part à cette dernière de faire transiter le courant électrique acheté à Watt par le réseau exploité par EEF. Celle-ci a toutefois rejeté cette dernière requête jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi fédérale sur le marché de l'électricité.

B.- Le 14 février 2000, Watt et Migros ont requis du secrétariat de la Commission de la concurrence d'ouvrir une enquête préalable et une enquête au sens des art. 26 et 27 LCart (RS 251) notamment à l'encontre de la société EEF. Migros a en outre demandé que EEF soit obligée de mettre son réseau électrique à la disposition du fournisseur d'énergie qui entend approvisionner en électricité les sites de production de Migros, soit ELSA, respectivement Micarna, moyennant une taxe d'utilisation du réseau de 31 fr. 60, respectivement 32 fr. 30 par MWh. Cette requête était motivée par le fait que EEF refusait de faire transiter sur son réseau l'énergie fournie par Watt, ce qui constituerait une pratique illicite de la part d'une entreprise ayant une position dominante au sens de l'art. 7 LCart. De plus, il n'existerait pas, dans ce secteur, un régime de marché de caractère étatique excluant, selon l'art. 3 al. 1 LCart, toute application de la loi sur les cartels. Des requêtes analogues ont été déposées à l'encontre d'Elektra Baselland (EBL) et du Service intercommunal de l'électricité SA (SIE).

Le secrétariat de la Commission de la concurrence a ouvert une enquête préliminaire (art. 26 LCart) et a donné l'occasion aux partiesBGE 129 II 497 S. 503

concernées de se déterminer. Par courrier du 10 avril 2000, EEF a soutenu que le législateur fribourgeois a établi un régime de marché particulier pour la distribution de l'électricité, ce qui excluait l'application de la loi sur les cartels, conformément à l'art. 3 al. 1 LCart. De plus, l'art. 7 LCart ne serait pas violé.

Les conclusions du rapport ayant été rendues le 9 juin 2000 à l'issue de l'enquête préliminaire (Droit et politique de la concurrence [DPC] 2000 p. 153 ss), le secrétariat de la Commission de la concurrence a ouvert une enquête d'entente avec un membre de la présidence de la commission (art. 27 LCart). Le 15 décembre 2000, le secrétariat précité a envoyé un projet de décision aux participants à l'enquête, conformément à l'art. 30 al. 2 LCart. Il était prévu de constater que la société EEF occupait une position dominante dans sa zone de distribution au sens de l'art. 4 al. 2 LCart et qu'elle violait l'art. 7 LCart en refusant de faire transiter l'électricité de Watt sur son réseau.

Par courrier du 22 février 2001, la société EEF faisait valoir que, vu la réglementation cantonale excluant le marché en cause de la concurrence conformément à l'art. 3 al. 1 LCart, la Commission de la concurrence ne serait pas compétente pour se prononcer. EEF disposerait d'un monopole institué par la loi pour l'approvisionnement de l'électricité. Le transport de l'électricité sur les réseaux serait réglé de manière exhaustive par les art. 43 et 44 de la loi fédérale du 24 juin 1902 concernant les installations électriques à faible et à fort courant (LIE; RS 734.0) ou par la loi sur le marché de l'électricité, de sorte que la Commission de la concurrence ne serait pas compétente. EEF a en outre requis des mesures d'instruction complémentaires en ce qui concerne l'interprétation du droit cantonal, fédéral et européen.

Par décision du 5 mars 2001 (DPC 2001 p. 255), la Commission de la concurrence a rejeté l'ensemble des conclusions de EEF du 22 février 2001 (ch. 215/1) et constaté que EEF jouissait d'une position dominante au sens de l'art. 4 al. 2 LCart sur les marchés de la distribution régionale et supra-régionale et de la fourniture du courant électrique dans sa zone de distribution (ch. 215/2). Elle a encore constaté que, en ayant refusé de faire transiter l'électricité de Watt sur son réseau pour l'approvisionnement des sites d'ELSA à Estavayer-le-Lac et de Micarna à Courtepin à partir du 1er janvier 2000, la société EEF avait abusé et continuait d'abuser de sa position dominante au sens de l'art. 7 LCart (ch. 215/3).

C.- La société EEF a recouru le 7 mai 2001 contre cette décision auprès de la Commission de recours pour les questions de concurrenceBGE 129 II 497 S. 504

(ci- après: la Commission de recours), en concluant principalement à ce que la décision de la Commission de la concurrence soit annulée et que la cause soit renvoyée à cette autorité afin qu'elle prenne une décision incidente sur sa compétence. Subsidiairement, EEF demandait que la décision attaquée soit annulée et qu'il soit constaté que la Commission de la concurrence n'était pas habilitée, en vertu de l'art. 3 LCart, à prendre une décision au sens de l'art. 30 LCart. Plus subsidiairement, EEF concluait à l'annulation de la décision et au renvoi de l'affaire à l'autorité inférieure afin que celle-ci lui octroie un nouveau délai pour s'exprimer sur le fond et qu'il soit constaté que la société EEF ne violait pas l'art. 7 LCart.

La Commission de recours a ordonné un échange d'écritures et a tenu une audience le 3 septembre 2002. EEF a présenté une demande de suspension motivée par l'imminence de la votation populaire fédérale du 22 septembre 2002 sur la loi sur le marché de l'électricité.

Par décision du 17 septembre 2002 (DPC 2002 p. 672 ss), la Commission de recours a rejeté la requête de suspension et le recours.

EEF a formé un recours de droit administratif. Le Tribunal fédéral a rejeté ce recours.

Extrait des considérants:

Extrait des considérants:

2.

2.1 La recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.) et de formalisme excessif. Elle expose que, par acte du 22 février 2001 adressé à la Commission de la concurrence, elle a demandé une décision incidente sur la compétence, ainsi qu'une suspension de la procédure sur le fond jusqu'à droit connu sur la décision sur la compétence. Elle ajoute qu'elle a sollicité différentes mesures d'instruction, et enfin, une autre occasion de s'exprimer sur la cause au fond. La Commission de la concurrence a cependant, par décision du 5 mars 2001, tranché le fond du litige sans lui avoir offert à nouveau la possibilité de se déterminer. Selon la recourante, c'est à tort que la Commission de recours a retenu qu'une éventuelle violation du droit d'être entendu pouvait de toute façon être réparée devant elle, étant donné que la Commission de recours n'aurait pas le même pouvoir d'examen que la Commission de la concurrence.

2.2 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. et aux art. 29 ss PA, comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuvesBGE 129 II 497 S. 505

pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuve pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 127 I 54 consid. 1b;ATF 124 I 48 consid. 3a p. 51;ATF 122 I 53 consid. 4a p. 55 et les références citées). Le droit d'être entendu porte avant tout sur les questions de fait. Les parties doivent éventuellement aussi être entendues sur les questions de droit lorsque l'autorité concernée entend se fonder sur des normes légales dont la prise en compte ne pouvait pas être raisonnablement prévue par les parties, lorsque la situation juridique a changé ou lorsqu'il existe un pouvoir d'appréciation particulièrement large (ATF 127 V 431 consid. 2b;ATF 126 I 19 consid. 2c). En règle générale, le droit d'être entendu ne donne en revanche pas le droit de s'exprimer sur un projet de décision pris à l'issue d'une procédure d'instruction. L'art. 30 al. 2 LCart, prévoyant que les participants à l'enquête peuvent communiquer leur avis par écrit sur la proposition de décision, accorde ainsi des garanties supplémentaires par rapport au droit d'être entendu consacré par la Constitution ou la PA (Message du 23 novembre 1994 concernant la loi fédérale sur les cartels et autres...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT