Arrêt nº 2A.416/2002 de IIe Cour de Droit Public, 21 mai 2003

Conférencierpublié
Date de Résolution21 mai 2003
SourceIIe Cour de Droit Public

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Chapeau

129 II 361

35. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause Office fédéral de la justice contre les enfants de X. et Commission foncière, section II ainsi que Tribunal administratif du canton de Vaud (recours de droit administratif)

2A.416/2002 du 21 mai 2003

Faits à partir de page 362

BGE 129 II 361 S. 362

A.- Le 3 décembre 1971, X., citoyen iranien alors domicilié à Téhéran, a passé une convention en vue d'acheter 350 actions (sur 500) d'une société anonyme domiciliée dans le canton de Vaud (ci-après: la société A. SA); cet achat était subordonné à la réalisationBGE 129 II 361 S. 363

de deux conditions, soit l'aboutissement de pourparlers en vue de permettre à cette société d'acquérir la totalité du capital-actions d'une autre société anonyme vaudoise (ci-après: la société B. SA), ainsi que la délivrance par la Commission foncière, Section II (ci-après: la Commission foncière), de l'autorisation d'effectuer cette prise de participation, vu la nationalité étrangère et le domicile à l'étranger de X.

Par décision du 28 décembre 1971, la Commission foncière a concédé à la société A. SA l'autorisation d'acquérir la totalité du capital-actions de la société B. SA, propriétaire d'une parcelle d'une surface de 5'243 mètres carrés sur laquelle était érigé un hôtel-restaurant (ci-après cité: l'Hôtel); la formule remplie pour les besoins de l'autorisation mentionne que A. SA, détenue à 98% par des personnes ayant leur domicile ou leur siège à l'étranger, se proposait de faire cette acquisition en vue d'exploiter l'Hôtel.

Après que A. SA eut effectivement acquis - à une date inconnue - la totalité du capital-action de la société B. SA, X. a fait procéder à "l'établissement d'une analyse concernant l'exploitation de l'Hôtel." En substance, il est ressorti de cette étude qu'en tablant sur un développement normal des affaires, les comptes seraient vraisemblablement équilibrés après trois ou quatre années d'exploitation; en outre, les auteurs de l'étude préconisaient d'attendre cinq à sept ans au moins avant d'entreprendre des travaux d'agrandissement ou de rénovation de l'Hôtel. Suivant ce conseil, la société B. SA a mis en gérance l'Hôtel sans procéder à des investissements.

B.- En 1978, l'administrateur unique de la société B. SA (ci-après: l'administrateur unique) s'est enquis auprès de la commune vaudoise de Z. (ci-après: la Commune) de la possibilité d'agrandir l'Hôtel par la réalisation de cinquante chambres supplémentaires et d'une salle de conférence d'une capacité de cent cinquante places. Constatant que l'Hôtel était situé en zone villas, la Commune a répondu que son agrandissement n'était en principe pas possible; elle a toutefois invité l'administrateur unique a produire des plans précis relatifs aux transformations envisagées pour le cas où elle devrait néanmoins "envisager un changement d'affectation de la zone." L'Hôtel a finalement fermé ses portes en mars 1978, après que le gérant eut refusé une augmentation de loyer exigée environ une année auparavant par X. A la demande de l'administrateur unique, le département cantonal compétent a donné son accord de principe à la délivrance d'une patente permettant la réouverture de l'Hôtel, pour autant, entre autres conditions, qu'une personne au bénéfice d'un certificat de capacité de cafetier, restaurateur et hôtelier pourBGE 129 II 361 S. 364

établissement important, en fasse la demande (lettre du département du 7 septembre 1979). Aucune démarche allant dans ce sens n'a été entreprise et l'Hôtel n'a plus rouvert ses portes.

L'année suivante, la Commune a délivré à la société B. SA une autorisation de construire portant sur la transformation de deux bâtiments et la réalisation d'une piscine intérieure "réalisée à l'usage d'une seule famille" (permis du 11 novembre 1980); le 3 mai 1983, elle a encore autorisé la construction d'une piscine extérieure et d'une pergola. A l'exception de la piscine intérieure et de la pergola, ces aménagements ont été réalisés. Le 12 juillet 1983, la Commune a accordé à la société B. SA des permis d'habiter l'immeuble et d'utiliser la piscine extérieure. Depuis lors, le bâtiment a régulièrement servi de logement de vacances à X. et sa famille.

C.- En 1998, X., entre-temps devenu citoyen britannique et - à une date inconnue - actionnaire unique de la société A. SA, a fait donation de ses participations dans cette société à ses trois fils (ci-après cités: les enfants de X.) nés respectivement en 1989, 1991 et 1993; de nationalité britannique comme leur père, ceux-ci sont également domiciliés en Angleterre.

Par contrat de fusion du 13 septembre 1999, la société B. SA a absorbé la société A. SA; le même jour, elle a été mise en liquidation. Le 15 décembre 2000, les enfants de X. ont demandé l'autorisation d'acquérir en leur nom personnel, à titre de logement de vacances, la propriété de la parcelle no x sise sur la Commune.

Par décision du 23 mars 2001, la Commission foncière a accordé l'autorisation sollicitée, en se fondant sur l'art. 7 let. i, appliqué par analogie, de la loi fédérale du 16 décembre 1983 sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger (LFAIE, ci-après également citée: "lex Friedrich"; RS 211.412.41). En bref, cette autorité a estimé qu'en autorisant A. SA à acquérir, en 1971, la totalité du capital-actions de la société B. SA, elle avait implicitement admis "l'acquisition des actions de A. SA par une personne physique à l'étranger", si bien que X. et, subséquemment, ses fils avaient acquis la propriété des actions en question conformément aux dispositions légales applicables; en outre, comme l'acquisition de ces actions n'avait été assortie d'aucune charge, il se justifiait d'admettre la requête du 15 décembre 2000 "sans charge aucune", les requérants ne devant acquérir "ni plus, ni moins de droits qu'ils n'en avaient auparavant."

D.- L'Office fédéral de la Justice (ci-après: l'Office fédéral) a recouru devant le Tribunal administratif du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal administratif) contre la décision précitée du 23 marsBGE 129 II 361 S. 365

2001. Il a fait valoir que, depuis l'autorisation délivrée en 1971 par la Commission foncière, l'immeuble en cause avait changé d'affectation, puisqu'il n'était plus exploité comme hôtel, mais servait de logement de vacances à la famille X. Aussi l'Office fédéral considérait-il que la Commission foncière était tenue, avant toute décision, d'examiner la légalité du changement d'affectation intervenu et, au cas où celui-ci s'avérerait illégal, d'ordonner le rétablissement d'une situation conforme au droit, sous peine de révocation de l'autorisation octroyée le 28 décembre 1971.

Sur proposition de la Commission foncière, le Tribunal administratif a suspendu la cause afin de permettre à l'administration de tirer au clair les circonstances précises ayant entouré le changement d'affectation de l'immeuble. Les enfants de X. ont alors expliqué que ce changement s'était imposé en raison de l'impossibilité de rentabiliser l'Hôtel, comme l'attestaient notamment les comptes relatifs à l'année 1979, dernière année d'exploitation; ils ont précisé que l'immeuble rénové avait régulièrement été utilisé comme logement de vacances à partir du 12 juillet 1983, soit dès la délivrance par la Commune des permis d'habitation et d'utilisation précités.

Par arrêt du 27 juin 2002, le Tribunal administratif a rejeté le recours dont il était saisi. Pour l'essentiel, il a considéré que, bien que l'immeuble fût soumis à l'obligation d'être affecté à une exploitation hôtelière, il existait des motifs impérieux, au sens de l'art. 14 LFAIE, de lever cette charge, vu l'impossibilité de rénover l'Hôtel et de le rentabiliser.

E.- L'Office fédéral interjette recours de droit administratif contre cet arrêt dont il requiert l'annulation, en concluant, sous suite de frais, au renvoi du dossier aux autorités cantonales pour nouvelle décision au sens des considérants. Il reprend, en les développant, les arguments exposés en instance cantonale, à savoir notamment que la démonstration n'a pas été faite de l'impossibilité d'exploiter de manière rentable l'Hôtel.

Le Tribunal administratif se réfère aux considérants de son arrêt et conclut au rejet du recours, ce que fait également, du moins implicitement, la Commission foncière. Quant aux enfants de X., ils concluent, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours, subsidiairement à ce qu'ils soient autorisés à acquérir la propriété de l'immeuble sis sur la parcelle no x du registre foncier de la Commune.

Le Tribunal fédéral a admis le recours, annulé la décision entreprise et renvoyé la cause à la Commission foncière pour complément d'instruction et nouvelle décision.

BGE 129 II 361 S. 366

Extrait des considérants:

Extrait des considérants:

2.

2.1 Ressortissants britanniques domiciliés en Angleterre, les enfants de X., intimés, peuvent en principe invoquer l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681; ci-après: l'Accord de libre circulation). Cet accord prévoit toutefois simplement que le ressortissant européen qui, comme les intimés, veut acquérir une résidence secondaire ou un logement de vacances en Suisse sans se constituer une résidence principale dans ce pays "peut être autorisé" à faire une telle acquisition (art. 25 al. 2 de l'Annexe I ALCP). Comme tel, l'Accord de libre circulation n'instaure donc pas, dans ce cas de figure - du moins s'agissant de l'acquisition d'un logement de vacances -, une réglementation plus favorable que la "lex Friedrich" (cf. FELIX SCHÖBI, Das Abkommen über die Freizügigkeit der Personen und der Erwerb von Grundstücken in der Schweiz, in Accords bilatéraux Suisse-UE [Commentaires], Bâle 2001, p. 417 ss, 423).

2.2 Entrée en vigueur le 1er janvier 1985 (cf. art. 40 al. 2 LFAIE), la "lex Friedrich" limite l'acquisition...

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