Arrêt nº 2C.2/2000 de IIe Cour de Droit Public, 4 avril 2003

Date de Résolution 4 avril 2003
SourceIIe Cour de Droit Public

Tribunale federale

Tribunal federal

{T 0/2}

2C.2/2000/dxc

Séance du 4 avril 2003

IIe Cour de droit public

Composition

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,

Betschart, Hungerbühler, Yersin et Zappelli, juge suppléant.

Greffier: M. Langone.

Parties

X.________,

demanderesse,

représentée par Me Catherine Jaccottet Tissot, avocate, place Pépinet 4, case postale 3309, 1002 Lausanne,

contre

Etat de Vaud, 1014 Lausanne, représenté par

Me Etienne Laffely, avocat, rue St-Pierre 2,

case postale 2673, 1002 Lausanne.

Objet

dommages et intérêts,

procès civil direct contre Etat de Vaud.

Faits:

A.

X.________ est née le 21 juillet 1954. Titulaire d'un diplôme en travail social délivré par l'Institut d'études sociales de Genève, en 1993, et ayant notamment exercé une activité d'assistante sociale à l'hôpital de zone de St-Loup à Orbe, elle a été engagée comme assistante sociale à 50% au Service de protection de la jeunesse du canton de Vaud, dès le 1er juin 1992; elle a été affectée au groupe des placements familiaux. Le 1er novembre 1993, elle a été promue en qualité d'assistante sociale B (classe 17/19). Son traitement a été fixé dès cette date à 29'993 fr. Le 1er juin 1994, elle a été nommée fonctionnaire en cette qualité.

Le 1er février 1996, elle a été transférée dans le groupe des assistantes sociales du secteur de la Broye, dont la cheffe était A.________, avec qui elle a d'emblée entretenu des relations de travail tendues. Un rapport d'évaluation intermédiaire du travail de X.________, établi le 20 septembre 1996 par B.________, adjoint du chef de service, et par A.________, fait état à la charge de l'intéressée de quelques lacunes et conclut à la nécessité de son développement en matière de savoir-faire et de "savoir-être". Il est notamment relevé: "(...) La formation à l'approche systémique que suit Mme X.________ devrait permettre d'y contribuer. Toutefois, cette formation ne saurait remplacer l'engagement personnel de Mme X.________ dans cette évolution personnelle indispensable à la fonction d'assistante sociale au Service de protection de la jeunesse."

Le 17 avril 1997, X.________ a demandé à pouvoir travailler à 60%, ce qui lui a été refusé le 16 mai 1997 par B.________, qui a invoqué les mesures d'économie que l'Etat de Vaud se devait de réaliser. Une deuxième demande d'augmentation de son taux d'activité à 80%, formulée en novembre 1997, pour remplacer un collègue quittant son poste de Renens, a été également refusée. En février 1998, elle a, en vain, formulé une troisième demande d'augmentation de son taux d'activité à la suite du départ d'un collègue à la retraite.

B.

Les relations entre X.________ et sa supérieure hiérarchique, A.________, s'étant détériorées, il a été décidé le 13 mai 1998, lors d'un entretien avec C.________, chef du Service de protection de la jeunesse, qu'une enquête serait mise en oeuvre aux fins d'analyser la situation de l'intéressée au sein du service. Ce n'est cependant que le 30 mars 1999, les parties n'étant pas parvenues à se mettre d'accord plus tôt sur la personne des enquêteurs, que Francine Jeanprêtre, Conseillère d'Etat à la tête du Département de la formation et de la jeunesse, a mandaté Y.________, cheffe du bureau de l'égalité, et Z.________, ancien chef de service, pour mener une enquête administrative au sujet du mobbing dont X.________ se disait la victime au sein du Service de protection de la jeunesse. En juin, l'enquêteur Z.________ a été remplacé par W.________, responsable des relations humaines au Département de la sécurité et de l'environnement.

Entre-temps, dès le 2 juin 1998, X.________ avait été mise au bénéfice d'un certificat d'incapacité de travail pour cause de maladie. Le 1er octobre 1998, son médecin traitant, le psychiatre P.________, a attesté que sa patiente était "(...) pour des raisons médicales, incapable de travailler au Service de protection de la jeunesse, aussi longtemps que la procédure engagée à propos d'une suspicion de mobbing ne sera pas réglée", mais qu'elle était "capable de travailler dans un autre service de l'Etat, dès le 5 octobre 1998."

Le 30 septembre 1998, l'intéressée a demandé à être transférée dans un autre service de l'Etat. Son dossier de candidature a été traité par le responsable du bureau de réinsertion professionnelle qui a cherché, sans succès, à fournir des stages à l'intéressée, notamment au CHUV. Une place vacante à l'office du Tuteur général n'a pas trouvé l'agrément de X.________ en raison des contacts avec le Service de protection de la jeunesse que ce poste impliquait. Le 31 mars 1999, C.________ a proposé à l'intéressée de travailler sous sa responsabilité exclusive, ce que X.________ a refusé, disant craindre de ne pas être suffisamment encadrée et de se retrouver en contact avec A.________. De son côté et parallèlement aux démarches menées par l'Etat de Vaud, X.________ a recherché un emploi à l'intérieur et en dehors de l'administration, cela sans succès. Le 4 septembre 2000, elle a commencé un stage de réinsertion, financé par l'Etat, auprès de l'association "Appartenances", à raison d'un taux d'occupation de 80%, avec un salaire mensuel brut de 4'960 fr. Ce stage a pris fin à la fin février 2001. Depuis le 1er septembre 2001, X.________ travaille à mi-temps en qualité d'assistante sociale A au service de l'hôpital Bellevue, à Yverdon-les-Bains. Depuis le 1er mars 2002, elle travaille en outre à 50% pour l'Etat de Vaud en qualité d'assistante sociale A au sein de l'Ecole de perfectionnement, service de l'enseignement secondaire.

C.

En septembre 1999, les personnes désignées pour enquêter au sujet du mobbing ont déposé leur rapport. Elles concluent que "(...) Tant les témoignages que l'examen des pièces au dossier ont confirmé le fait que Mme X.________ a été victime d'un comportement illicite, provenant de sa cheffe de groupe, Mme A.________" en relevant que "(...) Ce comportement s'est manifesté par différents agissements qui se sont produits fréquemment, pendant une durée de 3 ans environ et dont on peut retenir les éléments suivants:

- une communication négative, non éthique

- une très grande agressivité

- une disqualification professionnelle permanente

- des abus de pouvoirs répétés

- des tracasseries de tout genre (horaires, vacances, etc.)

(...) Les dommages subis par la victime sont très graves:

Elle a été profondément agressée et humiliée

Elle est absente de son milieu professionnel depuis plus de 15 mois

Elle doute d'elle et de ses capacités professionnelles

Elle est en proie à une anxiété permanente

Elle n'arrive plus à se projeter dans l'avenir

Elle est exposée à une détérioration de ses conditions d'existence: baisse de ses revenus, incertitudes quant à son avenir professionnel

Elle subit une détérioration de sa santé (situation de stress post-traumatique) (...)."

A la suite de ce rapport, par lettre du 14 décembre 1999, X.________ a formulé ses prétentions relatives au préjudice matériel et moral qu'elle disait avoir subi. Par lettre du 21 février 2000 de Francine Jeanprêtre, le Département de la formation de formation et de la jeunesse a admis que X.________ avait été la victime d'un harcèlement psychologique et lui a fait part des offres de l'Etat de Vaud aux fins de réparer le dommage. Ces propositions ont été refusées et, durant le printemps 2000, les parties ont poursuivi leurs pourparlers. Lors de la séance réunissant les parties le 7 avril 2000, l'Etat a accepté de verser à X.________ une somme de 10'000 fr. à valoir sur la somme susceptible d'être versée au terme des négociations. Par lettre du 19 mai 2000, le Département de la formation et de la jeunesse a proposé le paiement de l'intégralité du salaire "jusqu'à ce jour", l'aide à la réinsertion professionnelle avec salaire jusqu'au 31 août 2000, pour un taux d'occupation de 50%, et une indemnité pour tort moral de 8'000 fr. Ces nouvelles propositions n'ont pas été acceptées par l'intéressée qui a déposé, le 12 juillet 2000, un recours administratif pour déni de justice auprès du Conseil d'Etat en se plaignant du défaut de décision la concernant.

D.

Le 4 octobre 2000, X.________ a saisi le Tribunal fédéral d'une demande de dommages-intérêts contre l'Etat de Vaud, au sens de l'art. 42 OJ. Elle conclut: "L'Etat de Vaud est le débiteur de X.________ et lui doit immédiat paiement de la somme de 148'946 fr. 80 (cent quarante-huit mille neuf cent quarante-six francs et huitante centimes) avec intérêts à 5% dès le 6 décembre 1999."

Dans sa réponse du 17 janvier 2001, l'Etat de Vaud conclut au rejet de l'action.

Les parties ont répliqué et dupliqué. Lors de la séance de débats préparatoires du 13 novembre 2001, la tentative de conciliation a échoué. Le juge délégué a cependant accordé aux parties une suspension de la procédure pour leur permettre de poursuivre des pourparlers transactionnels. Ceux-ci ayant échoué, la reprise de l'instruction de la cause a été ordonnée le 10 mai 2002. Les parties ont chacune déposé un mémoire complémentaire, respectivement les 12 juin et 4 juillet 2002.

Le 5 septembre 2002, la délégation de la Cour a entendu les témoins C.________, Y.________, K.________, E.________, F.________, G.________ et H.________. La demanderesse a produit une lettre du 23 juillet 2002 du médecin cantonal adjoint, faisant état de l'épuisement de X.________ provoqué par le cumul de ses deux postes à 50% dans deux sites différents.

La procédure préparatoire a été close. La demanderesse a expressément sollicité que des débats avec plaidoiries soient tenus.

Les 20 septembre et 10 octobre 2002, les parties se sont déterminées sur le procès-verbal de l'audience du 5 septembre 2002.

Les débats principaux avec plaidoiries ont eu lieu le 4 avril 2003.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

  1. 1.1 Selon l'art. 3 PCF, le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité de l'action.

    Aux termes de l'art. 42 OJ - abrogé le 1er janvier 2001 (RO 2000 2719 ss), mais en vigueur au moment du dépôt de la demande et donc applicable à...

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