Arrêt nº 4C.394/2002 de Ire Cour de Droit Civil, 28 mars 2003

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Date de Résolution28 mars 2003
SourceIre Cour de Droit Civil

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129 III 264

44. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause A. contre époux B. (recours en réforme)

4C.394/2002 du 28 mars 2003

Faits à partir de page 265

BGE 129 III 264 S. 265

A.- Par acte authentique du 3 juin 1991, intitulé "pacte d'emption et promesse d'achat", A. a concédé aux époux B. un droit d'emption cessible sur une part de propriété par étages (PPE) d'un immeuble sis à Fribourg. Les époux B. ont accepté et promis d'acheter cette part. Le droit d'emption était octroyé pour le prix de 370'000 fr. payable par le versement de deux acomptes de 5'000 fr. et 32'000 fr., les 1er juillet 1991 et 31 janvier 1992, et du solde le jour de l'exercice du droit d'emption. Ce droit, à l'instar de la promesse d'achat, était déclaré ferme et irrévocable; il était concédé jusqu'au 1er août 1992 et annoté au registre foncier pour toute la durée convenue. L'entrée en possession ainsi que le transfert des profits et des risques devaient intervenir le jour de l'exercice du droit d'emption. Dans l'intervalle, A. louait aux époux B., pour un loyer mensuel de 2'100 fr., l'appartement correspondant à la PPE en question. En outre, elle requérait d'ores et déjà le conservateur du registre foncier de Fribourg de procéder à l'inscription des titulaires du droit d'emption comme nouveaux propriétaires de ladite PPE à la triple condition qu'ils prouvent avoir exercé leur droit d'emption en temps utile, avoir payé l'intégralité du prix d'acquisition et avoir requis leur inscription en tant que nouveaux propriétaires de l'appartement en PPE.

La durée du pacte d'emption et de la promesse d'achat du 3 juin 1991 a été prolongée une première fois jusqu'au 31 décembre 1992 et une seconde fois jusqu'au 30 août 1993, moyennant versement d'acomptes à imputer sur le prix de l'immeuble lors de l'exercice du droit d'emption.

Au 30 août 1993, les acomptes versés par les époux B. à A. s'élevaient à 52'000 fr.

Postérieurement à cette date, les parties ont discuté en vue de la vente de la PPE à des conditions qui restaient encore à définir et qui pouvaient être différentes de celles convenues le 3 juin 1991. Elles n'ont toutefois pas réussi à trouver un terrain d'entente. Durant ces pourparlers, les époux B. ont continué à verser des acomptes. C'estBGE 129 III 264 S. 266

ainsi que A. a touché un total de 20'800 fr. à ce titre du 6 septembre 1993 au 9 février 1995.

Le 12 mars 1996, les époux B. ont fait notifier à A. un commandement de payer la somme de 72'800 fr., correspondant à la totalité des acomptes perçus par la poursuivie, lequel a été frappé d'opposition.

B.- Le 7 décembre 1998, les époux B. ont ouvert action contre A. devant le Tribunal civil de l'arrondissement de la Sarine en vue d'obtenir le remboursement des 72'800 fr. d'acomptes qu'ils lui avaient versés. Ils avaient déjà élevé la même prétention, le 14 avril 1997, en formulant une conclusion reconventionnelle dans le cadre d'une action en paiement ouverte contre eux par A.

La défenderesse a conclu au rejet de la demande. Elle a fait valoir, entre autres motifs, que l'action des demandeurs était prescrite en vertu de l'art. 67 al. 1 CO.

Par jugement du 13 novembre 2000, le Tribunal civil de l'arrondissement de la Sarine a rejeté la demande.

Saisie par les demandeurs, la Ire Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, statuant par arrêt du 3 octobre 2002, a admis partiellement leur recours et condamné la défenderesse à leur verser la somme de 51'043 fr. avec intérêts à 5% dès le 14 avril 1997. Cette somme correspond aux acomptes versés par les demandeurs jusqu'au 30 août 1993 (52'000 fr.), dont à déduire une créance compensante de 957 fr. Selon les juges d'appel, la défaillance de la condition affectant la vente immobilière stipulée le 3 juin 1991 a donné naissance à une obligation de restitution de nature contractuelle justifiant l'application de l'art. 127 CO, si bien que la prescription décennale de cette créance, courant dès le 30 août 1993, n'est pas encore intervenue. En revanche, les acomptes versés postérieurement à cette date l'ont été en vue d'une cause - la vente de l'immeuble - qui ne s'est pas réalisée. Le droit de répétition relève, dans ce cas, de l'enrichissement illégitime (art. 62 al. 2 CO) et il se prescrit en conséquence par un an à compter du jour où la partie lésée en a eu connaissance, soit, en l'occurrence, dès le 12 mars 1996. Aussi l'action y relative est-elle prescrite.

C.- La défenderesse interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Invoquant notamment la violation de l'art. 67 CO, elle conclut au rejet intégral de la demande.

Le Tribunal fédéral a admis le recours et réformé l'arrêt attaqué en ce sens que l'action en paiement ouverte par les époux B. a été intégralement rejetée.

BGE 129 III 264 S. 267

Extrait des considérants:

Extrait des considérants:

3.

3.1 Les juges cantonaux ont retenu, par ailleurs, que la réelle et commune intention des parties avait été de suspendre les effets de la convention passée le 3 juin 1991 à l'exercice du droit d'emption jusqu'au terme finalement convenu, soit le 30 août 1993. Pour eux, ladite convention constituait ainsi une vente immobilière conditionnelle. Comme la condition suspensive qui l'affectait ne s'était pas accomplie, le droit d'emption n'ayant pas été exercé en temps utile, la situation était la même que si la convention précitée n'avait jamais été conclue. Par conséquent, la défenderesse était tenue de rembourser aux demandeurs les acomptes qu'ils lui avaient versés avant le 30 août 1993.

3.2 La qualification juridique de la convention du 3 juin 1991, telle qu'elle a été effectuée par les juges d'appel, et la conséquence qu'ils en ont tirée, quant aux acomptes versés par les demandeurs en application de cette convention, ne prêtent pas le flanc à la critique.

3.2.1 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le précontrat qui contient déjà tous les éléments essentiels du contrat principal doit être assimilé à ce contrat. Ainsi la promesse de vente doit-elle être traitée, en principe, à l'égal d'une vente lorsque cette dernière doit être conclue à des conditions identiques à celles stipulées dans la promesse (ATF 118 II 32 consid. 3b et c et les références; sur l'état de la controverse dont la promesse de vente immobilière est l'objet de longue date, voir TERCIER, Les contrats spéciaux, 3e éd., n. 957 et les auteurs cités). Il est en outre possible d'assortir le contrat de vente immobilière - lequel peut être soumis à une condition suspensive (art. 217 al. 1 CO) - d'un droit d'emption annoté au registre foncier (ATF 103 III 97 consid. 2b). Ce droit est défini comme un droit d'acquisition conditionnel subordonné à une condition suspensive potestative, la déclaration d'exercice du droit (ATF 121 III 210 consid. 3c p. 212; voir aussi l'ATF 126 III 421 consid. 3a/aa p. 423); il s'analyse comme une vente conditionnelle (TERCIER, op. cit., n. 1008; STEINAUER, Les droits réels, tome II, 3e éd., n. 1697).

Dans le cas concret, il ressort de l'énoncé des clauses principales de l'acte authentique du 3 juin 1991, opéré plus haut, que l'accord passé à cette date devant notaire contenait déjà tous les éléments essentiels de la vente immobilière projetée. Bien plus, alors que le titulaire du droit d'emption qui exerce ce droit ne devient pasBGE 129 III 264 S. 268

propriétaire de l'immeuble ipso facto, puisqu'il faut encore que le concédant requière l'inscription au registre foncier du transfert de propriété (STEINAUER, op. cit., n. 1712), dans l'acte susvisé, la défenderesse requérait d'ores et déjà ce transfert moyennant l'avènement d'une triple condition. Sous cette réserve, le transfert de propriété devait donc s'effectuer sans intervention ultérieure de la propriétaire de l'immeuble. Cette circonstance confirme, si besoin est, que la promesse de vente et d'achat, assortie d'un droit d'emption, conclue le 3 juin 1991 était en réalité une vente immobilière.

Que cette vente ait revêtu un caractère conditionnel ne nécessite pas de longues explications. Aussi bien, la cour cantonale a constaté souverainement la réelle et commune intention des parties à cet égard, qui était de suspendre les effets de la convention passée le 3 juin 1991 à l'exercice du droit d'emption jusqu'au terme stipulé (31 août 1992) et prolongé jusqu'au 30 août 1993. La raison d'être de la condition prévue dans ladite convention ressort implicitement d'autres constatations faites par les juges cantonaux: il s'agissait de permettre aux demandeurs de trouver de l'argent pour payer le solde du prix de vente et, s'ils n'y parvenaient pas, de renoncer à l'acquisition de la PPE. La condition stipulée était une condition suspensive, au sens des art. 151 à 153 CO. Au demeurant, la loi n'admet que ce type de condition pour une vente immobilière (art. 217 al. 1 CO; GIGER, Commentaire bernois, n. 7 ad art. 217 CO).

3.2.2 Selon l'art. 151 al. 2 CO, le contrat soumis à une condition suspensive ne produit d'effet qu'à compter du moment où la condition s'accomplit, si les parties n'ont pas manifesté une intention contraire. Si la condition vient à défaillir, les prestations déjà effectuées...

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