Arrêt nº 4C.202/2002 de Ire Cour de Droit Civil, 30 octobre 2002

Date de Résolution30 octobre 2002
SourceIre Cour de Droit Civil

Tribunale federale

Tribunal federal

{T 0/2}

4C.202/2002 /ech

Arrêt du 30 octobre 2002

Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz, Klett, Rottenberg Liatowitsch et Favre,

greffière de Montmollin.

A.________ Société Fiduciaire SA,

demanderesse et recourante, représentée par Me Bertrand Reich, avocat, boulevard St-Georges 72, 1205 Genève,

contre

X.________,

défendeur et intimé, représenté par Me Michel Bosshard, avocat, rue de Candolle 16, 1205 Genève.

responsabilité aquilienne; personne morale; culpa in contrahendo

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 19 avril 2002)

Faits:

A.

A.________ Société Fiduciaire SA (ci-après: A.________) assumait la gestion d'environ 500 sociétés, parmi lesquelles des sociétés belges, anglaises, espagnoles et panaméennes dont l'ayant droit économique était Z.________, promoteur immobilier belge. Y.________, administrateur et président du conseil d'administration de A.________, simultanément l'un de ses principaux actionnaires, travaillait pratiquement à plein temps pour ce promoteur et ses sociétés. Le 6 mai 1987, X.________, retraité néerlandais, a acquis de l'une d'elles, C.________ Ltd (ci-après: C.________ ), dont Y.________ était administrateur-président, la nue-propriété d'un bungalow en Espagne ainsi que divers droits réels et personnels contre paiement de 159 800 florins hollandais (ci-après: NLG), versés en trois fois sur le compte de C.________ auprès de D.________ Genève. Devant la carence de son cocontractant, X.________ a demandé à "retirer le capital investi", ce qui a donné lieu à une multitude de démarches aboutissant le 30 novembre 1992 à la signature d'une convention destinée à le dédommager. Cet accord portait sur la vente d'un immeuble payé par compensation avec le montant encaissé dans le cadre de la promotion C.________ , immeuble que la société vendeuse devait ensuite aliéner pour le compte de X.________. L'acte de vente a été finalement passé le 10 septembre 1993, pour le prix de 490 000 Pts déjà payé. X.________ ne s'est cependant vu proposer aucun acquéreur, la seule offre reçue étant une location qu'il a refusée.

Y.________ a quitté sa fonction d'administrateur de A.________ au début décembre 1991; la radiation de ses pouvoirs a été publiée dans la FOSC du 18 décembre 1991. Il a continué à travailler encore plusieurs années pour Z.________ dans des locaux sous-loués à A.________. C.________, devenue B.________ Ltd (ci-après: B.________), a été liquidée et radiée. Z.________ a été assassiné en Espagne en décembre 1998. Le détail de l'état de fait susmentionné, connu des parties, ressort de l'arrêt rendu entre elles par le Tribunal de céans le 30 mai 2001 (4C.6/2001, p. 2 à 6).

B.

S'estimant lésé par la transaction des 30 novembre 1992-10 septembre 1993, X.________ a introduit des poursuites contre A.________, qui a ouvert action à son endroit pour faire constater qu'elle n'était pas sa débitrice (art. 85a LP). Reconventionnellement, X.________ a conclu au paiement par A.________ de 558 480 NLG, avec intérêts à 6% dès le 1er janvier 1998, montant porté en cours d'instance à 564 480 NLG avec intérêts, sous imputation de 30 411 fr. (valeur moyenne du bungalow acquis en 1992-1993). Par jugement du 6 septembre 1999, le Tribunal de première instance de Genève a condamné A.________ à payer à X.________ 159 800 NLG, plus intérêts, sous imputation de 43 796 NLG, ce dernier montant représentant la valeur du second bungalow, acquis suite au contrat des 30 novembre 1992-10 septembre 1993. Sur appel de A.________, et appel incident de X.________, la Cour de justice a annulé le jugement de première instance par arrêt du 10 novembre 2000. Elle a estimé que le rapport de causalité adéquate entre l'acte illicite susceptible d'être reproché à A.________ dans le cadre du premier contrat litigieux, de mai 1987, et le dommage allégué avait été rompu par le comportement dolosif de Z.________, "et, vraisemblablement, (de) W.________ ainsi que (de) Y.________", lors de la signature de la convention du 30 novembre 1992, qui reléguait à l'arrière-plan les agissements antérieurs susceptibles d'être reprochés à A.________.

C.

X.________ a recouru en réforme au Tribunal fédéral en concluant au paiement, par A.________, de 370 480 NLG, avec intérêts.

Statuant le 30 mai 2001, le tribunal de céans a renvoyé la cause à la cour cantonale pour examiner le caractère illicite et fautif des actes reprochés à A.________ en 1987 ainsi que la portée de la convention du 30 novembre 1992 sur la dette de A.________. Dans l'hypothèse d'une responsabilité de cette dernière, la cour devait procéder au calcul du préjudice subi par X.________.

D.

Par arrêt du 19 avril 2002, la Cour de justice a condamné A.________ à payer à X.________ la somme de 278 013 fr. (contre-valeur de 370 684 NLG), portant intérêts à 5% dès le 8 janvier 1998; elle a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par A.________ au commandement de payer correspondant.

En substance, la cour cantonale a retenu un cas de "Doppelorganschaft", jugeant que les faits produits entre mars 1987 et le 10 septembre 1993 constituaient un dol intentionnel de la part de Y.________, et engageaient la responsabilité de A.________ dans le cadre de l'exécution du mandat de gestion que cette dernière lui avait confié pour l'administration de C.________/B.________ . Sans la tromperie dont il avait été victime, X.________ aurait pu placer son capital de 159 800 NLG à 14%, affirmation non contredite par A.________, de sorte que son dommage ascendait à 414 480 NLG, sous déduction des 43 796 NLG représentant la valeur du second bungalow, acquis suite au contrat du 30 novembre 1992-10 septembre 1993, selon l'estimation d'un expert privé espagnol, ingénieur de formation. Le montant du dommage était en définitive de 370 684 NLG, avec intérêts à 5% dès le 8 janvier 1998. Le rapport de causalité naturelle et adéquate entre l'acte illicite de 1987 et le dommage était établi et non interrompu. Aucune faute concomitante ne pouvait être imputée à X.________, qui avait, à l'époque, été dissuadé de faire des vérifications au vu de la publicité efficace et richement illustrée; de même A.________ ne pouvait faire grief à X.________ d'avoir refusé l'offre de louer le second bungalow, proposition non établie et de plus susceptible de faire obstacle à la vente dudit immeuble. Par surabondance de motifs, la cour a retenu que Y.________ et A.________ s'étaient aussi rendus coupables de culpa in contrahendo envers X.________, lui causant de ce fait un dommage d'un montant identique.

E.

A.________ recourt en réforme au Tribunal fédéral. Elle sollicite principalement l'annulation de l'arrêt du 19 avril 2002 et le rejet de toutes les conclusions du défendeur, subsidiairement le renvoi de la cause à la cour cantonale. Elle reproche à cette dernière de n'avoir pas examiné la portée de la convention du 30 novembre 1992, dans laquelle elle voit une novation, respectivement une remise conventionnelle de dette de la part de X.________. De plus, comme Y.________ n'agissait pas en qualité d'organe de A.________ lorsqu'il intervenait au sein et pour le compte de C.________ , la Cour de justice n'aurait pas dû retenir une situation de "Doppelorganschaft". La demanderesse fait encore valoir que Y.________ n'a participé à aucune discussion précontractuelle; la culpa in contrahendo ne saurait donc être établie. La société recourante ajoute que ce dernier n'a commis aucun acte illicite, qu'il n'est pas intervenu comme son organe et conteste que le défendeur ait subi un quelconque dommage, en raison de la convention du 30 novembre 1992, de sorte que toute responsabilité fondée sur les articles 55 CC, 55 CO et 718 aCO serait exclue. Enfin, le défendeur aurait commis une faute concomitante en ne louant pas le second bungalow, pour réduire le dommage allégué.

X.________ conclut à la confirmation de l'arrêt entrepris, au déboutement de A.________ de toutes ses conclusions et à l'octroi de l'assistance judiciaire.

La cour cantonale se réfère à sa décision.

F.

Par arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral a écarté le recours de droit public interjeté par A.________ contre le prononcé de la Cour de justice.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

  1. Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties, mais il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a; 123 III 246 consid. 2).

  2. En premier lieu, la demanderesse invoque deux...

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