Arrêt nº 4C.306/2001 de Ire Cour de Droit Civil, 11 janvier 2002

Date de Résolution11 janvier 2002
SourceIre Cour de Droit Civil

[AZA 0/2]

4C.306/2001

Ie COUR CIVILE

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11 janvier 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et

Favre, juges. Greffier: M. Ramelet.

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Dans la cause civile pendante

entre

  1. X.________ S.A., défenderesse et recourante,

  2. Dame B.________, défenderesse et recourante,

    toutes deux représentées par Me Pierre del Boca, avocat à Lausanne,

    et

    Dame C.________, demanderesse et intimée, représentée par Me Baptiste Rusconi, avocat à Lausanne;

    (responsabilité civile du détenteur de véhicule automobile)

    Vu les pièces du dossier d'où ressortent

    les faits suivants:

    A.-

    1. Dame C.________, née le 1er août 1950, est mère d'un enfant né en 1982; son époux est père au foyer depuis la naissance de leur fils. Elle souffre, depuis l'âge de vingt ans environ, de la maladie de Bechterew ou spondylarthrite ankylosante. Il s'agit d'un rhumatisme, qui, petit à petit, entraîne la soudure des différentes vertèbres et interdit les mouvements de tête latéraux, la personne atteinte de cette maladie devant ainsi déplacer les pieds pour regarder à gauche ou à droite. En raison de cette affection, dame C.________ ne pouvait pas tenir la tête droite. Depuis le 21 avril 1978, elle percevait une demi-rente simple de l'assurance-invalidité.

      Dame C.________ a travaillé à mi-temps de 1977 à 1992 au service de la fiduciaire et régie Y.________ S.A., à Lausanne; son dernier salaire mensuel brut se montait à 2875 fr., treize fois l'an.

      Le 7 octobre 1992, aux alentours de 7 h.35, dame B.________, dont la responsabilité civile de détentrice est couverte par X.________ S.A. (anciennement A.________), circulait au volant de son véhicule de marque Peugeot 205 sur l'avenue Général Guisan, à Pully, en direction de Vevey. Dame B.________ a vu dame C.________, qui était arrêtée sous la pluie à hauteur du no 79 de l'avenue précitée; celle-ci se trouvait sur le trottoir, en face d'un passage de sécurité.

      La conductrice, qui a pris dame C.________ pour un enfant à cause de sa silhouette, a ralenti à la vue de cette piétonne.

      D.________, qui circulait en sens inverse, a également vu dame C.________ attendre et a compris qu'elle voulait traverser; il s'est alors arrêté et lui a fait un appel de phares pour lui indiquer qu'il entendait la laisser passer.

      Dame C.________, qui est particulièrement prudente au moment de traverser la route, a regardé à gauche, puiss'est engagée sur le passage de sécurité en marchant normalement.

      Pensant que dame C.________ allait attendre le passage de sa voiture, dame B.________, totalement surprise, a donné un brusque coup de frein et a tenté de l'éviter en passant sur le trottoir à droite. La conductrice a toutefois heurté, avec l'avant gauche de son véhicule, la piétonne, alors qu'elle se trouvait à environ trois mètres du bord du trottoir qu'elle venait de quitter.

      Dame C.________ a été transportée inconsciente au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), où elle a été admise plusieurs mois. Outre des fractures de l'humérus gauche, du rachis dorsal D11-D12, du bassin et aux deux jambes, accompagnées d'un hémothorax droit et d'une contusion hépatique, elle a subi un sévère traumatisme crânien. A la suite de cet accident, dame C.________ est très gravement entravée dans sa vie de tous les jours et proche de l'impotence.

      Le traumatisme crânien est à l'origine d'un syndrome psycho-organique de degré moyen, qui se caractérise par des troubles des fonctions gnosiques, par une aphasie anomique et divers troubles de la personnalité (puérilisme, labilité émotionnelle, retrait social, phobie de l'abandon et de la chute).

      Elle présente en outre des troubles de la marche, qui aggravent de manière déterminante les difficultés de se déplacer résultant de son état antérieur, et une limitation fonctionnelle de l'épaule gauche. Enfin, elle souffre de troubles sphinctériens vésicaux occasionnant des pertes d'urine.

      Depuis l'accident, qui a fait l'objet d'un rapport de la police municipale de Pully daté du 13 octobre 1992, dame C.________ est en incapacité totale de travail. Elle n'est désormais plus en mesure d'effectuer sans aide les tâches ménagères, pour lesquelles elle consacrait en tout cas dix heures par mois.

      Dès le 1er février 1993, elle a touché une rente entière simple de l'assurance-invalidité et une rente pour enfant, qui se montaient mensuellement en mars 2000 à respectivement 2010 fr. et 804 fr.

    2. Une enquête pénale a été ouverte contre dame B.________ pour lésions corporelles graves. Par jugement du 7 mars 1994, le Tribunal correctionnel du district de Lausanne a libéré l'intéressée de ce chef d'accusation.

      B.- Le 19 février 1997, dame C.________ a ouvert action contre dame B.________ et X.________ S.A. devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois. Elle a conclu à ce que les défenderesses lui doivent paiement solidairement de 225 071 fr.30, avec intérêts à 5 % l'an dès le dépôt de la demande.

      Les défenderesses ont conclu à libération.

      En cours d'instance, une expertise médicale a été confiée au docteur Z.________, spécialiste FMH en médecine interne. Selon cet expert, la perte des 50% de capacité de travail résiduelle dont disposait la demanderesse avant l'accident du 7 octobre 1992 est exclusivement due aux séquelles de ce sinistre. Dans un rapport complémentaire, l'expert a encore déclaré que la maladie de Bechterew dont la demanderesse est atteinte ne l'aurait pas empêchée, si l'accident n'était pas survenu, de maintenir une activité professionnelle à mi-temps jusqu'à l'âge de 62 ans.

      Une expertise technique a également été ordonnée pour évaluer notamment la vitesse du véhicule de dame B.________ avant l'accident et au moment du choc et la distance d'arrêt qui entrait en ligne de compte.

      Par jugement du 14 novembre 2000 dont les...

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