Arrêt nº 4P.176/2001 de Ire Cour de Droit Civil, 16 octobre 2001

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Date de Résolution16 octobre 2001
SourceIre Cour de Droit Civil

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Chapeau

128 III 50

11. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause société X. contre société O. (recours de droit public)

4P.176/2001 du 16 octobre 2001

Faits à partir de page 51

BGE 128 III 50 S. 51

A.- Le 13 juillet 1978, X., société anonyme de droit français dont le siège est à Paris (France), a conclu avec F., entreprise de droit yougoslave dont le siège est à Pristina (République fédérale de Yougoslavie), un contrat intitulé "Amortisseurs".

L'art. 13 let. b de ce contrat prévoit que tout différend entre les parties relatif à l'interprétation ou à l'exécution du contrat sera tranché par la voie de l'arbitrage conformément aux règles de la Chambre de Commerce Internationale de Paris, le tribunal arbitral devant siéger à Genève et appliquer le droit suisse.

Par lettre recommandée du 4 décembre 1992, X. a manifesté la volonté de ne pas renouveler le contrat à son échéance; il en est résulté un litige entre les parties.

BGE 128 III 50 S. 52

B.- Le 12 avril 1997, l'entreprise yougoslave a mis en oeuvre la procédure arbitrale, concluant à ce que sa partie adverse lui paie le montant de 9'289'678.02 FRF avec intérêts.

La procédure d'arbitrage n'a toutefois pas commencé, parce que X., qui refusait de se soumettre à l'arbitrage et n'avait pas signé l'acte de mission, n'a pas effectué l'avance de frais qui lui était demandée.

Le 25 juin 1999, l'entreprise yougoslave a cédé sa créance contre X. à O., une société de droit yougoslave ayant son siège à Belgrade (République fédérale de Yougoslavie).

O. a manifesté la volonté de reprendre la procédure arbitrale et elle a effectué l'avance des frais qui incombait à X.

X. a fait valoir, notamment, que O. n'avait pas qualité pour intervenir dans la procédure d'arbitrage.

Statuant sur les objections préalables de X. par une sentence partielle du 18 avril 2001, le Tribunal arbitral, siégeant à Genève, a considéré en particulier que la créance litigieuse avait été valablement cédée à O. et il a ordonné en conséquence la poursuite de la procédure arbitrale entre O. et X.

C.- X. a formé un recours de droit public. Soutenant que le Tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent, elle invite le Tribunal fédéral à annuler la sentence attaquée et à dire que le Tribunal arbitral n'est pas compétent pour trancher le litige entre O. et X.

L'intimée conclut à l'irrecevabilité, voire au rejet, du recours ainsi qu'à la confirmation de la sentence attaquée.

Dans ses observations, le président du Tribunal arbitral relève que celui-ci n'a pas été saisi d'une exception d'incompétence.

Le Tribunal fédéral a admis le recours et annulé la sentence attaquée.

Extrait des considérants:

Extrait des considérants:

    1. Selon l'art. 85 let. c OJ, le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une sentence arbitrale aux conditions des art. 190 ss LDIP (RS 291). Il convient donc d'examiner en premier lieu si les conditions prévues par ces dispositions sont réunies.

      La clause compromissoire, insérée dans le contrat conclu le 13 juillet 1978, fixe le siège du Tribunal arbitral en Suisse (à Genève) et l'une des parties au moins (en l'occurrence les deux) n'avait, au moment de la conclusion de cette convention d'arbitrage, ni son domicile ni sa résidence habituelle en Suisse; les art. 190 ss LDIPBGE 128 III 50 S. 53

      sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP), étant observé que les parties n'en ont pas exclu l'application par écrit en choisissant d'appliquer exclusivement les règles de la procédure cantonale en matière d'arbitrage (art. 176 al. 2 LDIP).

      Le recours au Tribunal fédéral prévu par l'art. 191 al. 1 LDIP est ouvert, puisque les parties n'ont pas choisi, en lieu et place, le recours à l'autorité cantonale (art. 191 al. 2 LDIP) et qu'elles ne l'ont pas non plus exclu conventionnellement (cf. art. 192 al. 1 LDIP).

      Le recours ne peut être formé que pour l'un des motifs énumérés de manière exhaustive à l'art. 190 al. 2 LDIP (ATF 127 III 279 consid. 1a p. 282;ATF 119 II 380 consid. 3c p. 383).

      Le recours est immédiatement ouvert contre une sentence incidente lorsque le Tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent ou incompétent (art. 190 al. 3 en relation avec l'art. 190 al. 2 let. b LDIP;ATF 127 III 279 consid. 1b).

      La voie du recours de droit public étant ouverte en l'espèce, il faut encore examiner si les règles de procédure ont été respectées.

    2. Pour le recours en matière d'arbitrage international, la procédure devant le Tribunal fédéral est régie par les dispositions de la loi fédérale d'organisation judiciaire (OJ) relatives au recours de droit public (art. 191 al. 1, 2ème phrase, LDIP).

      La recourante est personnellement touchée par la décision attaquée, qui l'oblige à continuer de procéder devant le Tribunal arbitral, de sorte qu'elle a un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été rendue en violation des garanties découlant de l'art. 190 al. 2 LDIP; en conséquence, elle a qualité pour recourir (art. 88 OJ).

      Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ), dans la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours est en principe recevable.

      Hormis certaines exceptions, il n'a qu'un caractère cassatoire (ATF 127 II 1 consid. 2c;ATF 127 III 279 consid. 1b;ATF 126 III 534 consid. 1c;ATF 124 I 327 consid. 4). Lorsque le litige porte sur la compétence d'un tribunal arbitral, il a été admis, par exception, que le Tribunal fédéral pouvait lui-même constater la compétence ou l'incompétence (ATF 127 III 279 consid. 1b;ATF 117 II 94 consid. 4).

    3. Dès lors que les règles de procédure sont celles du recours de droit public, la partie recourante doit invoquer ses griefs conformément aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 127 III 279 consid. 1c;ATF 117 II 604 consid. 3 p. 606). Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs admissibles qui ont été invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recoursBGE 128 III 50 S. 54

      (cf.ATF 127 I 38 consid. 3c;ATF 127 III 279 consid. 1c;ATF 126 III 524 consid. 1c, 534 consid. 1b). La recourante devait donc indiquer quelles hypothèses de l'art. 190 al. 2 LDIP étaient à ses yeux réalisées et, en partant de la sentence attaquée, montrer de façon circonstanciée en quoi consisterait la violation du principe invoqué (ATF 127 III 279 consid. 1c); ce n'est qu'à ces conditions qu'il sera possible d'entrer en matière.

    1. La recourante soutient que le Tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent pour connaître des conclusions prises contre elle.

      Elle invoque ainsi le motif de recours prévu par l'art. 190 al. 2 let. b LDIP.

      Saisi d'un tel grief, le Tribunal fédéral examine librement les questions de droit, y compris les questions préalables, qui déterminent la compétence ou l'incompétence du tribunal arbitral (ATF 119 II 380 consid. 3c p. 383;ATF 118 II 193 consid. 5a;ATF 117 II 94 consid. 5a). En particulier, il peut examiner librement la question préalable de la validité d'un acte de cession dont dépend le transfert d'une clause compromissoire (HEINI, in IPRG Kommentar, n. 24b ad art. 190 LDIP).

      Cependant, le Tribunal fédéral revoit l'état de fait à la base de la sentence attaquée - même s'il s'agit de la question de la compétence - uniquement lorsque l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou lorsque des faits ou des moyens de preuve nouveaux (cf. art. 95 OJ) sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure de recours de droit public (ATF 119 II 380 consid. 3c p. 383 et les références).

    2. aa) Lorsqu'ils examinent s'ils sont compétents pour trancher le différend qui leur est soumis, les arbitres doivent résoudre, entre autres questions, celle de la portée subjective de la convention d'arbitrage. Il leur appartient, notamment, de déterminer quelles sont les parties liées par la convention (ATF 117 II 94 consid. 5b p. 98 et les auteurs cités). A cet égard, il n'est pas douteux qu'une convention d'arbitrage peut obliger même des personnes qui ne l'ont pas signée. Appelé à dire si le litige dont il est saisi est de son ressort ou de celui de la juridiction ordinaire, le tribunal arbitral doit, dès lors, décider si telle personne assignée devant lui est liée ou non par la convention d'arbitrage. Sous l'angle de la compétence, l'existence, la validité et la portée de la convention d'arbitrage constituent donc des problèmes indissociables (ATF 120 II 155 consid. 3b/bb p. 163 s. et les auteurs cités).

      BGE 128 III 50 S. 55

      bb) Sur le plan des principes, il sied de faire clairement la distinction entre la notion de légitimation active ou passive (appelée aussi qualité pour agir ou pour défendre; Aktiv- oder Passivlegitimation), d'une part, et celle de capacité d'être partie (Parteifähigkeit), d'autre part. La légitimation active ou passive dans un procès civil relève du fondement matériel de l'action; elle appartient au sujet (actif ou passif) du droit invoqué en justice et son absence entraîne, non pas l'irrecevabilité de la demande, mais son rejet (ATF 108 II 216 consid. 1). En revanche, la capacité d'être partie, entendue ici dans son acception la plus large, consiste dans la faculté de participer à un procès en qualité de partie (VOGEL/SPÜHLER, Grundriss des Zivilprozessrechts, 7e éd., p. 135, n. 1 ad § 25); elle constitue une condition de recevabilité de la demande et son défaut équivaut à une fin de non-recevoir. Savoir si le demandeur ou le défendeur est partie à la convention d'arbitrage, autrement dit s'il dispose de la capacité d'être partie, est ainsi une question de recevabilité qui détermine la compétence du tribunal arbitral et qui ne doit, théoriquement, pas être confondue avec le moyen de fond pris du défaut de légitimation active ou passive (LALIVE/POUDRET/REYMOND, Le droit de l'arbitrage interne et international en Suisse, p. 65, n. 2 ad art. 8 du Concordat sur l'arbitrage [CA], qui se réfèrent en particulier à l'ATF 102 Ia 574 consid...

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