Arrêt nº 5C.134/2000 de IIe Cour de Droit Civil, 20 octobre 2000

Date de Résolution20 octobre 2000
SourceIIe Cour de Droit Civil

[AZA 0/2]

5C.134/2000

IIe COUR CIVILE

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20 octobre 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et Mme

Nordmann, juges. Greffier: M. Abrecht.

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Dans la cause civile pendante

entre

La Banque X.________, défenderesse et recourante, représentée par Mes Vincent Jeanneret et Julien Terrier, avocats à Genève,

et

Dame Y.________, demanderesse et intimée, représentée par Me Claude Aberlé, avocat à Genève;

(action en revendication d'une cédule hypothécaire)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent

les f a i t s suivants:

A.- Dame Y.________, mariée depuis 1960 à Y.________ sous le régime matrimonial de la séparation de biens, est propriétaires de deux parcelles (nos XXX et YYY) dans la commune de Z.________, sur lesquelles est sise la maison familiale.

Y.________ est titulaire depuis le 8 avril 1981 d'un compte courant auprès de la banque X.________, qu'il a utilisé à des fins professionnelles pour mener des affaires immobilières de grande envergure. L'art. 8 des conditions générales de la Banque accorde à celle-ci "un droit de gage sur toutes les valeurs qu'elle a en dépôt pour le compte du client, chez elle ou ailleurs".

Au 30 septembre 1990, le compte de Y.________ auprès de la banque X.________ était débiteur d'un montant de l'ordre de 18'000'000 fr. selon la Banque et de 11'000'000 fr.

selon Y.________. Face à cette situation, la Banque allègue avoir demandé de nouvelles garanties à son client.

Jusqu'en février 1991, dame Y.________ n'a pas été tenue au courant de l'évolution des affaires immobilières de son mari. Ce n'est qu'à cette date que celui-ci lui a expliqué qu'il avait des problèmes en raison du débit de son compte auprès de la banque X.________.

B.- Les époux Y.________ se sont rendus à deux reprises chez le notaire N.________, le 4 avril 1991 et le 1er mai 1991. Lors des enquêtes, le notaire N.________ a expliqué qu'il avait été consulté par les époux Y.________ dans le contexte d'une restructuration des garanties hypothécaires de Y.________, survenue lors du dénouement de diverses importantes opérations immobilières, en ce sens que des cédules hypothécaires étaient devenues libres d'engagement et qu'il avait été décidé, pour éviter la perception de droits liés à la constitution de nouvelles cédules, de "parquer" certaines de ces cédules sur les parcelles de la commune de Z.________ appartenant à dame Y.________. Celle-ci, inquiète des conséquences possibles de cette opération, a insisté auprès du notaire N.________ pour obtenir l'assurance qu'il n'y avait pas de risque à voir son immeuble grevé de cédules hypothécaires.

C'est ainsi que, sur demande de dame Y.________, les époux Y.________ ont signé le 4 avril 1991 une déclaration établie par le notaire N.________, par laquelle ils priaient ce dernier "de ne pas disposer des deux cédules hypothécaires au porteur au capital respectif de 1'000'000 fr. et de 4'000'000 fr. qui grèveront au second rang, en concours entre elles et sans autre concours, la propriété sise en la commune de Z.________, parcelles XXX index 1 et YYY, sans leur accord conjoint".

Lors de la seconde entrevue à l'étude du notaire N.________ le 1er mai 1991, les époux Y.________ ont signé deux actes notariés. Le premier acte prévoyait notamment qu'ensuite de fractionnement de diverses cédules hypothécaires grevant des immeubles appartenant à Y.________, une cédule d'une valeur de 1'000'000 fr. incorporant une reconnaissance de dette au porteur de dame Y.________ grèverait la propriété de cette dernière en second rang en concours avec la cédule de 4'000'000 fr. incorporant une reconnaissance de dette au porteur de Y.________. Par le second acte, intitulé acte de modification de gages, les époux Y.________ ont requis le Conservateur du Registre foncier "d'indiquer dans ses registres" (a) que la cédule au porteur de 4'000'000 fr. reposerait désormais sans concours en deuxième rang sur l'immeuble de Z.________, (b) que la cédule de 1'000'000 fr. reposerait en troisième rang et (c) "la banque X.________ comme porteur de la cédule hypothécaire au capital de 4'000'000 fr." Le même jour, les époux Y.________ ont annulé par écrit les instructions figurant dans la déclaration du 4 avril 1991 précitée.

Lors des enquêtes, le notaire N.________ a expliqué que l'annulation, le 1er mai, des instructions du 4 avril 1991 lui interdisant de disposer des deux cédules avait pour but de mettre le titre en sûreté auprès de la banque X.________, indiquée comme "porteur" au Registre foncier, afin de donner à cette banque la garantie que la cédule ne serait pas, le cas échéant, utilisée pour une autre opération.

C.- Le 29 avril 1991, un "protocole d'accord" avait été établi à Z.________ par Y.________ et son épouse "représentant nos enfants". Ce document prévoyait notamment une "mise à disposition" par Y.________ à son épouse et ses enfants de 50% des parts qu'il détenait dans la société en commandite S.________, cette mise à disposition devant se faire sous forme d'une donation, vente ou échange à établir avec les conseillers fiscaux avant le 30 juin 1991; en contrepartie, dame Y.________ "remet[tait] à la banque X.________ la cédule de 4'000'000 fr. en garantie sur sa propriété de Z.________".

La "mise à disposition" de 50% de la part de commandite de Y.________ à son épouse et ses enfants prévue par le "protocole d'accord" du 29 avril 1991 n'a jamais été réalisée.

Le 23 février 1993, Y.________ a cédé ses droits de commanditaire dans la société précitée à la banque X.________, à titre de garantie de sa dette envers la Banque.

D.- Le 13 mai 1991, le notaire N.________ a informé la banque X.________ que les actes notariés "portant délivrance en votre faveur" de diverses cédules hypothécaires, dont celle incorporant une reconnaissance de dette de 4'000'000 fr. de Y.________ et grevant la propriété de son épouse, avaient été déposés au Registre foncier. Le 7 juin 1991, un coursier de l'étude du notaire N.________ a livré la cédule en question à la Banque, qui a adressé le 23 août 1991 à Y.________ une quittance de mise sous son dossier de la cédule, et le 28 août 1991 l'avis de dépôt y relatif.

E.- Le 16 novembre 1992, le notaire N.________, à la suite d'un entretien téléphonique avec Y.________, a indiqué à dame Y.________:

"a) que ce dernier [réd. : Y.________] ne s'est pas

reconnu débiteur envers la banque X.________, aux

termes des actes que vous avez signés en mon Etude,

de la cédule hypothécaire de Fr. 4'000'000,-- qui

grève actuellement votre propriété au second rang

et sans concours,

  1. que cette Banque a toutefois été indiquée comme

    porteur, ce qui équivaut à une "indication d'adresse"

    à l'attention du Registre foncier, pour toutes

    ses éventuelles communications officielles,

  2. qu'à mon avis, ce titre se trouve dès lors simplement

    en "dépôt" auprès de ladite Banque, à moins

    qu'un acte de nantissement ait été signé en sa faveur par vous-même et votre époux.. "

    F.- En avril 1993, dame Y.________ a demandé à la banque X.________ de retourner au notaire N.________ la cédule hypothécaire de 4'000'000 fr., libre de tout engagement.

    Devant le refus de la Banque, elle a déposé le 11 mai 1993 une requête de mesures provisionnelles tendant à la saisie-revendication de la cédule hypothécaire en mains de la Banque.

    La saisie provisionnelle prononcée le même jour avant audition des parties a été révoquée par ordonnance du Tribunal de première instance du 18 juin 1993, confirmée par la Cour de justice le 8 octobre 1993.

    De son côté, la Banque a déposé le 25 janvier 1994 une réquisition de poursuite en réalisation de...

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