Arrêt nº 4C.46/2000 de Ire Cour de Droit Civil, 10 juillet 2000

Date de Résolution10 juillet 2000
SourceIre Cour de Droit Civil

[AZA 3]

4C.46/2000

Ie COUR CIVILE

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10 juillet 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz, juge,

et Pagan, juge suppléant. Greffier: M. Carruzzo.

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Dans la cause civile pendante

entre

Walter Wenk, à Aïre, défendeur et recourant, représenté par Me Patrice Riondel, avocat à Genève,

et

l'Association genevoise du Coin de Terre, à Vernier, demanderesse et intimée, représentée par Me Christiane de Senarclens Combe, avocate à Genève;

(droit de réméré)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent

les faits suivants:

A.-

  1. L'Association genevoise du Coin de Terre (ci-après: l'Association), reconnue d'utilité publique depuis 1933, a pour but principal de faciliter aux familles de condition modeste l'acquisition et la construction d'habitations.

    A cet effet, elle peut, en particulier, recourir aux dispositions légales concernant le droit de réméré. La durée - indéterminée -, les modalités de l'annotation au registre foncier (pour une période de dix ans) et les conditions d'exercice de ce droit ont été fixées dans un règlement intérieur approuvé par le Conseil d'Etat genevois. Selon ce règlement, les ventes de parcelles avec la maison familiale et d'appartements font l'objet d'un acte notarié spécial prévoyant un droit de réméré en faveur de l'Association. En outre, les propriétaires présents ou futurs de terrains vendus par l'Association doivent satisfaire aux conditions de celleci et en être membres aussi longtemps qu'elle subsistera.

    En cas de donation au conjoint ou à l'un des descendants du membre propriétaire, l'Association n'exerce pas son droit de réméré si le bénéficiaire désigné remplit les conditions statutaires. Les modalités de la donation sont arrêtées d'un commun accord avec le donataire qui doit adhérer à l'Association et signer le pacte de réméré.

  2. Le 14 décembre 1961, l'Association a vendu à Walter Wenk, pour le prix de 79 676 fr.55, une parcelle avec villa et jardin, sise à Aïre. L'acte de vente reprenait les clauses et conditions réglementaires concernant le droit de réméré, qui a été annoté au registre foncier pour une durée de dix ans.

  3. Par acte authentique du 1er juillet 1994, Walter Wenk a donné l'immeuble en copropriété à sa fille, Christiane Marè Hochuli, et à sa petite-fille, Jennifer Marè. L'acte de donation prévoyait un droit d'usufruit en faveur de Walter Wenk et de son épouse. La reprise du pacte de réméré par les donataires n'y était pas stipulée.

    Le transfert de propriété découlant de la donation a été inscrit au registre foncier le 22 juillet 1994 et publié dans la Feuille d'avis officielle du 29 juillet 1994.

    Dans une lettre du 17 octobre 1994, l'Association a rappelé à Christiane Marè Hochuli et à sa fille qu'en vertu de ses statuts et de son règlement intérieur, seuls ses membres pouvaient licitement habiter les immeubles qu'ils lui achetaient. Elle les a donc invitées à remplir et à signer un bulletin d'adhésion.

    Le 25 octobre 1994, Christiane Marè Hochuli a fait part à l'Association de son refus d'y adhérer. Ultérieurement, elle lui a proposé sans succès un arrangement.

    B.- Le 2 novembre 1995, l'Association a assigné Walter Wenk en paiement de la somme de 180 474 fr., plus intérêts, correspondant à la différence entre le prix de rachat de l'immeuble au moment de la donation et le prix d'acquisition d'un bien-fonds similaire (165 600 fr.), ainsi qu'aux frais d'avocat assumés par elle en raison de la violation du droit de réméré qu'elle imputait au défendeur (14 874 fr.25).

    Elle reprochait à ce dernier d'avoir délibérément fait donation de sa maison sans imposer aux donataires la reprise du droit de réméré, lequel ne leur était ainsi plus opposable.

    Le défendeur a conclu au rejet de la demande, soutenant, en substance, qu'il n'avait jamais eu l'intention de causer un dommage à la demanderesse, mais uniquement de sauvegarder les intérêts de sa famille.

    A dire d'expert, la différence entre la valeur vénale de la parcelle et son prix de rachat se montait à 170 937 fr.85.

    Par jugement du 28 janvier 1999, le Tribunal de première instance du canton de Genève a condamné le défendeur à payer à la demanderesse la somme de 178 945 fr.70 (165 600 fr. + 13 345 fr.70) avec intérêts à 5% dès le 2 novembre 1995.

    Statuant le 10 décembre 1999, sur appel du défendeur, la Cour de justice a confirmé ce jugement.

    C.- Le défendeur interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral en vue d'obtenir l'annulation de l'arrêt cantonal et sa libération totale des fins de la demande.

    La demanderesse conclut au rejet du recours, dans la mesure où il est recevable, et à la confirmation de l'arrêt attaqué.

    Considérant en droit :

    1. - Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement sur la base des faits figurant dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 119 II 353 consid. 5c/aa p. 357, 117 II 256 consid. 2a, 115 II 484 consid. 2a p. 485 s.). Dans la mesure où un recourant présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir de manière précise de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'y a pas lieu d'en tenir compte. Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).

      Dans la partie de son recours consacrée au "rappel des faits pertinents", le défendeur se livre en réalité, sous forme de commentaires, à une critique des faits retenus par la Cour de justice. Une telle façon de procéder, en dehors des hypothèses susvisées, n'est pas admissible, car elle revient à faire du Tribunal fédéral une juridiction d'appel susceptible de revoir librement les faits.

    2. - Le défendeur invoque en premier lieu une violation de l'art. 216a CO. Il fait grief à la cour cantonale de n'avoir pas constaté que le droit de réméré litigieux s'était définitivement éteint le 14 décembre 1986, 25 ans après sa constitution, en vertu de cette disposition.

  4. aa) Les droits de préemption, d'emption et de réméré conventionnels sont des droits d'acquisition conditionnels qui font naître un rapport générateur d'obligations et qui sont soumis, comme tels, aux dispositions générales relatives aux contrats. De tels droits n'ont, en principe, que des effets personnels. Peuvent, toutefois, s'y ajouter les effets réels de l'annotation au registre foncier, laquelle permet de garantir l'exécution de ces droits personnels par un mode réel, en les rendant opposables à tout droit postérieurement acquis sur l'immeuble (art. 959 al. 2 CC; ATF 120 Ia 240 consid. 3b et les références).

    Selon le texte des art. 681 al. 3 et 683 al. 2 aCC, les droits de préemption, d'emption et de réméré cessent, dans tous les cas, dix ans après l'annotation. La jurisprudence a néanmoins interprété ces dispositions en ce sens que le délai décennal ne s'appliquait qu'aux effets réels de l'annotation. Ainsi, les parties pouvaient constituer entre elles des droits personnels d'une durée indéterminée, dans les limites des art. 2 et 27 CC (ATF 102 II 243 consid. 3 et les références; voir aussi l'ATF 121 III 210 consid. 2). Cette...

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