Arrêt nº 1P.517/1998 de Ire Cour de Droit Civil, 3 mai 2000

Date de Résolution 3 mai 2000
SourceIre Cour de Droit Civil

[AZA 0]

1P.517/1998

Ie COUR DE DROIT PUBLIC

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Séance du 3 mai 2000

Présidence de M. le Juge Aemisegger, Président de la Cour.

Présents: MM. les Juges Nay, Aeschlimann, Féraud et Jacot-Guillarmod.

Greffier: M. Zimmermann.

__________

Statuant sur le recours de droit public

formé par

F.________, représentée par Me Jean-Pierre Garbade, avocat à Genève,

contre

la décision prise le 27 août 1998 par l'Officier de police du canton de Genève;

(art. 6 par. 3 CEDH; liberté personnelle;

art. 107A CPP gen. ; droits de la personne arrêtée)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent

les faits suivants:

A.- Le 27 août 1998 vers 7h., la gendarmerie genevoise a arrêté, avec d'autres personnes, F.________, ressortissante allemande domiciliée à Lüneburg, alors qu'elle campait sur le territoire de la commune de Cologny, dans un lieu où cette activité est interdite.

Les personnes arrêtées ont d'abord été conduites au poste de police de la Pallanterie, en vue de la vérification de leur identité. Elles ont toutes été relâchées, sauf F.________ dont il est apparu qu'elle faisait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse prononcée par l'Office fédéral des étrangers le 21 mai 1998, avec effet jusqu'au 20 mai 2003.

Pour la suite des opérations, les gendarmes ont conduit F.________ d'abord dans les locaux de la brigade d'intervention, puis à l'Hôtel de Police, où elle est arrivée vers 10h30.

A 10h12, Me Jean-Pierre Garbade, avocat à Genève, a adressé un message télécopié à l'officier de police. S'annonçant comme le mandataire de F.________, il a demandé à pouvoir s'entretenir avec elle immédiatement. Ce message comporte le passage suivant:

"Je sais que le Code de procédure pénale n'autorise la visite qu'après l'interrogatoire par l'officier de police, mais j'estime que ce droit résulte de l'art. 4 Cst. féd. et 6 ch. 1 c) CEDH (..)".

Vers 10h55, l'un des gendarmes ayant procédé à l'arrestation de F.________ a téléphoné à Me Garbade pour lui indiquer que sa cliente devant être probablement relâchée, une visite n'entrait pas en ligne de compte à ce stade.

A 12h04, l'officier de police a décerné un mandat d'amener contre F.________ pour infraction à l'art. 23 LSEE.

A 13h. , un gendarme maîtrisant l'allemand a procédé à l'audition de F.________ et lui a remis une copie de l'art. 107A CPP gen. , régissant les droits de la personne entendue par la police.

Après l'établissement du rapport d'enquête, F.________ a été conduite dans les cellules de l'Hôtel de Police ("violons"), à 16h35. C'est à ce moment que le mandat d'amener lui a été notifié.

L'officier de police a entendu F.________ à 17h35. Il lui a signifié son arrestation pour infraction à l'art. 23 LSEE et ordonné son transfert à la prison de Champ-Dollon pour être mise à la disposition du juge d'instruction. Il lui a rappelé la teneur de l'art. 107A CPP gen.

A 17h35, l'officier de police a adressé à Me Garbade un message télécopié l'informant de la notification du mandat d'amener et de l'arrestation de sa cliente, laquelle avait exprimé le souhait de rencontrer son avocat. L'officier de police a invité Me Garbade à s'adresser au Juge d'instruction en charge de la procédure, "pour la suite des modalités".

Me Garbade a eu connaissance de ce message à 18h30.

F.________ a été placée au relais carcéral de l'Hôtel de police avant d'être conduite à la prison de Champ-Dollon, où son arrivée a été enregistrée à 18h20.

Le 28 août 1998 à 10h. , F.________ a pu s'entretenir avec Me Garbade. Au terme de l'audition qui a suivi, en présence de Me Garbade, le Juge d'instruction a ordonné la relaxe de F.________, qui a été reconduite immédiatement à la frontière.

B.- Agissant par la voie du recours de droit public, F.________ demande au Tribunal fédéral de constater que la police aurait violé ses droits constitutionnels, notamment la liberté personnelle, l'art. 4 aCst. et l'art. 6 par. 3 let. b et c CEDH, en ne lui remettant pas le message télécopié de Me Garbade et en ne l'autorisant pas à rencontrer son avocat dans les locaux de la police le 27 août 1998 avant 13h. , ou au moins avant son transfert dans le relais carcéral. F.________ requiert l'assistance judiciaire.

C.- Par ordonnance du 30 septembre 1998, le Président de la Ie Cour de droit public a suspendu la procédure jusqu'à ce que le Conseil d'Etat et le Procureur général du canton de Genève aient statué sur les recours formés parallèlement auprès d'eux par F.________.

Le 24 novembre 1998, le Procureur général a déclaré le recours irrecevable, faute de compétence pour en connaître.

Le 10 novembre 1999, le Conseil d'Etat en a fait de même.

La procédure a été reprise le 19 novembre 1999.

Le Chef de la police cantonale conclut au rejet du recours.

Invitée à répliquer, la recourante a maintenu ses conclusions.

Considérant en droit :

  1. - Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 125 I 253 consid. 1a p. 254, 412 consid. 1a p. 414; 125 II 193 consid. 1a p. 299; 124 I 11 consid. 1 p. 13, 159 consid. 1 p. 161, et les arrêts cités).

    1. Aucune voie de recours n'étant ouverte sur le plan cantonal contre le refus d'autoriser la présence de l'avocat au stade de l'arrestation, la condition de la subsidiarité du recours de droit public est remplie (art. 86 al. 1 OJ; arrêt non publié I. du 11 avril 1994, consid. 2).

    2. aa) Le recours de droit public exige un intérêt actuel et pratique à l'annulation de la décision attaquée et à l'examen des griefs soulevés (art. 88 OJ; ATF 120 Ia 165 consid. 1a p. 166; 118 Ia 46 consid. 3c p. 53, 488 consid. 1a p. 490 et les arrêts cités). L'intérêt au recours doit encore exister au moment où statue le Tribunal fédéral, lequel se prononce sur des questions concrètes et non théoriques (ATF 125 I 86 consid. 5b p. 97, 394 consid. 4a p. 397; 120 Ia 165 consid. 1a p. 166; 118 Ia 488 consid. 1a p. 490). L'intérêt actuel nécessaire fait défaut en particulier lorsque l'acte de l'autorité a été exécuté ou est devenu sans objet (ATF 125 I 86 consid. 5b p. 97; 120 Ia 165 consid. 1a p. 166; 106 Ia 151 consid. 1a p. 152/153; 104 Ia 487). Le Tribunal fédéral renonce toutefois à faire de l'intérêt actuel une condition de recevabilité du recours de droit public lorsque cette exigence l'empêcherait de contrôler un acte qui peut se reproduire en tout temps, qui, en raison de la brève durée de ses effets, échapperait toujours à sa censure et lorsqu'il existe un intérêt public important à résoudre la question de principe que soulève le recours (ATF 125 I 394 consid. 4b p. 397; 124 I 231 consid. 1b p. 233; 121 I 279 consid. 1 p. 281/282, et les arrêts cités).

    bb) L'officier de police a ordonné l'arrestation de la recourante et décerné contre elle un mandat d'amener, par quoi on entend, selon l'art. 15 Cst. gen. , l'acte par lequel un magistrat ou un fonctionnaire compétent ordonne d'appréhender la personne...

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