Arrêt nº 4A 653/2010 de Ire Cour de Droit Civil, 24 juin 2011

Date de Résolution24 juin 2011
SourceIre Cour de Droit Civil

Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

{T 0/2}

4A_653/2010

Arrêt du 24 juin 2011

Ire Cour de droit civil

Composition

Mmes et MM. les Juges Klett, présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss.

Greffier: M. Ramelet.

Participants à la procédure

X.________, représenté par Me Paul Bürgi,

recourant,

contre

Y.________ LTD, auparavant Z.________ SA, représentée par Me Daniel Tunik,

intimée.

Objet

responsabilité délictuelle, blanchiment d'argent,

recours contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2010 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Faits:

A.

A.a X.________ est un citoyen allemand domicilié à Londres (Royaume-Uni). En 1994, X.________ a fait la connaissance de A.________, agent d'affaires établi à Strasbourg (France), lequel lui avait donné l'impression d'être compétent en matière financière. X.________ souhaitait procéder à des investissements lui rapportant 3% ou 4% par mois, les moyens d'y parvenir ne l'intéressant pas.

Le 8 novembre 1994, X.________ et A.________ ont conclu un contrat (Fiduciary & Trust Agreement), par lequel le premier remettait au second, à titre fiduciaire, le montant de 9 millions de US$, somme qui devait être déposée sur un compte ouvert par A.________ auprès de la banque suisse I.________ au nom de la société J.________ Limited (ci-après: J.________), dont celui-ci était l'ayant droit; X.________ était désigné comme le bénéficiaire économique des fonds; il était prévu que les bénéfices obtenus, estimés à 9% par mois, devaient être partagés à part égale entre les contractants.

A la fin 1994 apparemment, A.________, sur les conseils de B.________, directeur d'une fiduciaire à Genève, a procédé à une première opération de placement, qui s'est soldée par une perte de l'ordre de 600'000 fr. à 1'000'000 fr. A.________ n'a pas osé faire part de cet événement à X.________.

A.b B.________ a ensuite persuadé A.________, pour reconstituer le capital confié, de procéder à un nouvel investissement. via la banque K.________, à Genève; A.________ a alors converti en francs suisses les avoirs en dollars américains qui lui avaient été remis, puis fait émettre, via la banque suisse L.________, un chèque bancaire de 9'268'538 fr. à l'ordre de la société J.________.

Le 11 avril 1995, B.________ a conduit A.________ dans les locaux de la banque K.________ et lui a présenté C.________ et E.________, qui se sont faussement présentés comme directeurs de cet établissement. Ces derniers ont proposé à A.________ de participer à un programme d'investissement de 10 millions de US$ au minimum, censé procurer un rendement de 4% par semaine. C.________ et E.________, après avoir remis à A.________ une brochure de la banque précitée sur laquelle ils avaient inscrit leurs noms, lui ont proposé de traiter l'opération, pour des raisons fiscales, par l'intermédiaire de la banque M.________, à Andorre, dont les premiers étaient prétendument membres du conseil d'administration. Comme A.________ ne disposait que de la somme de 9'268'538 fr. (et non de l'équivalent de 10 millions de US$), B.________ a complété ce montant en tirant un chèque sur sa propre société N.________.

A l'occasion d'une réunion qui s'est tenue le 12 avril 1995 dans les locaux de la fiduciaire de B.________, un « protocole d'accord » - rédigé à la main sur du papier sans en-tête - a été signé entre C.________, E.________ et la société O.________ SA, d'une part, et A.________, d'autre part. Selon les termes de cet accord, C.________, E.________ et O.________ SA s'engageaient à ouvrir, au profit de A.________, un compte auprès de la banque M.________ pour la société J.________, alors que celui-ci s'obligeait à remettre à ses cocontractants dix millions de US$ par chèque bancaire; les investissements devaient procurer à A.________ un rendement hebdomadaire de 4% pendant un an, mais au minimum de 192% durant l'année; une garantie de remboursement émise par la banque R.________, ascendant à 108% de l'investissement initial, devait être remise à A.________ dans les jours suivants.

C.________ et E.________, affirmant à A.________ qu'ils étaient précisément sur le point de se rendre en Andorre, lui ont proposé de déposer pour lui à la banque M.________ le chèque de 9'268'538 fr. tiré sur la banque L.________. A.________ a accepté de leur remettre le chèque en question, qu'il avait endossé en blanc.

C.________ et E.________ n'ont toutefois pas présenté le chèque auprès de cet établissement, mais se sont rendus au Tessin pour rencontrer D.________, exploitant une fiduciaire dans ce canton; D.________ possédait depuis 1990 un compte intitulé «...» auprès de S.________ SA, à Lugano (Tessin), devenue Z.________ SA, puis Y.________ LTD (ci-après: la banque ou la défenderesse).

A la demande de C.________ et E.________, D.________ a accepté de procéder à l'encaissement du chèque remis par A.________. D.________ a ainsi pris langue avec F.________, gestionnaire de son compte «...» depuis 1991, alors inscrit au registre du commerce comme vice-directeur de la banque; ce compte n'avait eu que peu d'activités jusqu'alors. Il a été retenu que l'employé de banque précité savait que D.________ avait des problèmes financiers, mais également qu'il était honnête.

Le 18 avril 1995, D.________, accompagné de C.________ et E.________, s'est rendu en possession du chèque dans les locaux de la banque, à Lugano. D.________ a remis à F.________ la pièce d'identité de A.________, qui a été désigné comme bénéficiaire économique des avoirs sur le formulaire « A », que D.________ a signé et qui porte la date du 18 mai 1995; F.________ a toutefois affirmé qu'il s'agissait d'une erreur de plume et que cet acte avait été établi le 18 avril 1995.

F.________ a déclaré qu'outre l'identité de l'ayant droit économique des fonds, il ne s'était pas particulièrement enquis de leur provenance, aux motifs que l'affaire lui avait été amenée par D.________, personne qu'il connaissait bien, et que le chèque était émis par une grande banque suisse.

La banque a encaissé le chèque de 9'268'538 fr. le 18 avril 1995 et versé ladite somme sur le compte «...» avec date valeur du 20 avril 1995. Il avait été annoncé à F.________ que les fonds resteraient sur le compte «...».

Le 19 avril 1995, D.________ a demandé et obtenu qu'un montant de 2'000'000 fr. soit débité du compte «...», sous forme de quatre chèques de 500'000 fr. F.________ a déclaré qu'il lui avait été expliqué que ces chèques devaient garantir une « évidence » de fonds, procédé qui ne l'avait pas surpris dès l'instant où il savait qu'il était précédemment arrivé que la production d'un relevé bancaire ne suffisât pas à attester un état de fortune.

Le 20 avril 2005, les quatre chèques ont été présentés à la banque, qui a recrédité le compte «...» du montant de 2'000'000 fr. D.________ a alors immédiatement effectué trois prélèvements en liquide sur son compte, de respectivement 2'000'000 fr., 260'000 fr. et 240'000 fr.

Le 20 avril 1995 également, D.________ a fait virer, par le débit de son compte, la somme de 3'850'000 fr. en faveur du compte que B.________ possédait auprès de la banque Q.________, à Genève, au nom de la société P.________; de ce montant, l'équivalent de 1'200'000 US$ a été viré sur le compte d'une société tunisienne, détenue au moins partiellement par B.________, alors que le solde a été retiré en espèces.

Le 21 avril 1995, un nouveau montant de 2'000'000 fr. a été prélevé en espèces du compte «...». Pour assurer ce paiement en liquide, la défenderesse a dû demander des billets à la Banque nationale suisse.

A.c Lorsque F.________ s'est étonné de ces divers retraits, D.________ lui a présenté un courrier daté du 12 avril 1995, portant l'en-tête de la société J.________, lequel précisait que la signature de A.________ qui y figurait avait été légalisée par un notaire de Genève. Il a été retenu que A.________ n'a jamais signé ce document. A teneur de cette écriture, A.________ donnait pouvoir à O.________ SA, représentée par C.________, d'encaisser un chèque de 9'268'538 fr. tiré sur la banque L.________, puis de virer la somme de 3'850'000 fr. sur le compte de la banque Q.________ auprès de la société P.________, d'opérer des retraits en espèces à hauteur de 4'000'000 fr. et de laisser le solde, par 1'000'000 fr., sur le compte «...» dans l'attente de nouvelles instructions. Ce pli prévoyait enfin une commission forfaitaire de 500'000 fr. pour « l'opérateur titulaire du compte ».

F.________ a fait savoir à D.________ que le courrier précité répondait à ses interrogations et que l'opération pouvait s'effectuer; il a ajouté que sa préoccupation avait été d'en finir avec celle-ci, son achèvement l'ayant soulagé.

D.________ a expliqué qu'il avait bien reçu la somme promise de 500'000 fr., qu'il n'avait jamais pensé que derrière cette opération pouvait se cacher quelque chose d'illicite et qu'il n'avait plus eu de contact avec C.________ et E.________ par la suite.

A.d Le solde qui restait sur le compte «...» a été débité par des retraits en espèces, à concurrence de 500'538 fr., et par un virement opéré en faveur de A.________ le 12 mai 1995, par 418'000 fr., avec l'explication que cela représentait une première partie des intérêts produits par le placement de 9'268'538 fr. Ce virement de 418'000 fr. a été par la suite reversé à X.________.

A.e A.________ s'est inquiété à la fin avril 1995 de la réalité du placement. S'étant adressé à la banque M.________ pour avoir des informations, celle-ci lui a répondu n'avoir pas connaissance de l'affaire. Un ou deux mois après la remise du chèque à C.________ et E.________, A.________ a appris que le chèque avait été encaissé auprès de la défenderesse, à Lugano.

Pendant plusieurs années, B.________, C.________ et E.________ ont fait patienter A.________ en lui assurant qu'il allait être remboursé. Ces promesses sont restées sans suite.

A une date indéterminée, A.________ a avoué à X.________ que l'argent était en mains du duo...

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