Arrêt nº 4A 5/2011 de Ire Cour de Droit Civil, 24 mars 2011

Date de Résolution24 mars 2011
SourceIre Cour de Droit Civil

Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

{T 0/2}

4A_5/2011

Arrêt du 24 mars 2011

Ire Cour de droit civil

Composition

Mmes et M. les Juges Klett, Présidente, Rottenberg Liatowitsch et Kolly.

Greffière: Mme Godat Zimmermann.

Participants à la procédure

X.________ SA, représentée par Me Jean-Michel Duc,

recourante,

contre

Y.________, représenté par Me Laurent Damond,

intimé.

Objet

indemnités journalières,

recours contre le jugement de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 28 octobre 2010.

Faits:

A.

A.a Y.________, ouvrier de chantier né en 1956, se plaint de lombalgies en tout cas depuis 1996. Employé au service de l'entreprise R.________ SA, il était au bénéfice, à partir du 1er janvier 2001, d'une assurance collective conclue avec la société d'assurances S.________, qui deviendra par la suite X.________ SA (ci-après: l'assureur ou X.________). En cas de maladie, cette assurance complémentaire à l'assurance-maladie sociale garantit une indemnité journalière couvrant 80% du salaire brut journalier durant 730 jours, avec un délai d'attente de 30 jours.

A.b Le 18 avril 2001, Y.________ a chuté d'un camion alors qu'il se trouvait sur un chantier. Les conséquences de cet accident professionnel ont été prises en charge par la Suva (Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents). L'assuré a ainsi séjourné à la Clinique V.________ du 31 octobre au 30 novembre 2001. Dans un consilium psychiatrique du 5 novembre 2001, complété le 3 décembre 2001, le Dr A.________, médecin associé au service psychosomatique de V.________, a posé le diagnostic de syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4 selon CIM-10) et conclu que ce trouble psychique ne justifiait pas une incapacité de travail, la reprise progressive d'une activité professionnelle étant souhaitable. Par décision du 11 janvier 2002, la Suva a mis un terme à ses prestations avec effet au 13 janvier 2002.

A.c Y.________ n'a pas repris le travail. L'assureur a versé des indemnités journalières directement à R.________ SA pour les périodes du 13 février au 30 avril 2002, puis du 25 mai au 2 juillet 2002; durant cette dernière période, Y.________ a séjourné au centre thermal de .... Auparavant, le 3 mai 2002, les Drs B.________ et C.________, du Service de rhumatologie de W.________, avaient posé le diagnostic de troubles somatoformes douloureux. Dans une lettre du 17 juillet 2002 adressée à l'assureur de protection juridique de Y.________, le Dr D.________, chirurgien orthopédiste et médecin-chef au centre thermal de ..., a diagnostiqué des lombalgies chroniques dans le cadre d'un syndrome somatoforme douloureux; il estimait la capacité de travail de Y.________ à 50% sur un mois, puis à 100% dans un travail adapté. Selon ce médecin, il n'y avait aucune justification d'incapacité de travail sur le plan traumatique; en revanche, il pouvait en exister une sur le plan psychiatrique, de sorte qu'il conseillait une évaluation psychiatrique, domaine dans lequel il n'était pas compétent.

Par courrier du 15 août 2002, l'assureur a maintenu son refus d'organiser une expertise médicale et de verser des prestations. Y.________ a alors pris contact avec la Policlinique psychiatrique universitaire, à ....

Selon un rapport du Département universitaire de psychiatrie adulte (DUPA) du 15 novembre 2002 signé des Drs I.________ et J.________, l'assuré est atteint d'un syndrome douloureux somatoforme persistant et sa capacité de travail est nulle. Les médecins ont considéré que la chronicité du trouble, la perte d'intégration sociale, la précarité de la situation économique ainsi que l'échec des traitements instaurés étaient des facteurs de mauvais pronostic. Par ailleurs, ils ont estimé ne pas disposer de suffisamment d'éléments pour poser avec certitude le diagnostic de comorbidité psychiatrique sous forme d'un épisode dépressif.

L'assureur a ensuite accepté de mettre en oeuvre une expertise. Celle-ci a été confiée conjointement par les parties au Dr G.________, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. Selon le rapport de ce médecin du 10 janvier 2004, Y.________ ne souffre pas d'un trouble somatoforme douloureux, mais d'un trouble factice (F68-1 selon CIM-10), lequel n'est pas réputé entraîner une incapacité de travail. L'expert a exclu par ailleurs une comorbidité psychiatrique.

Sur la base de ce rapport, l'assureur a confirmé son refus de verser des prestations à Y.________ en date du 20 janvier 2004.

L'assuré a chargé le Dr E.________, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, d'effectuer une nouvelle expertise. Dans son rapport du 6 janvier 2005, ce médecin retient les diagnostics suivants: troubles mixtes de la personnalité (F61.0); trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen, avec syndrome somatique (F33.11); syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4); syndrome de dépendance à la nicotine, utilisation continue (F17.25). Le Dr E.________ considère que Y.________ est totalement incapable de travailler depuis le 18 avril 2001 en raison de l'ensemble des troubles qu'il présente. En répondant au questionnaire qui lui a été soumis au cours de la procédure cantonale, ce médecin a précisé au juge instructeur, par lettre du 5 mai 2008, que les troubles présentés par l'expertisé ne pouvaient s'expliquer que par une comorbidité psychiatrique, que le trouble dépressif était aggravé par le syndrome douloureux somatoforme persistant ainsi que par le trouble mixte de la personnalité et que l'ensemble de ces troubles, qui duraient depuis plusieurs années, était la cause de l'incapacité de travail.

Après avoir consulté le dossier de l'assurance-invalidité de l'assuré, l'assureur a maintenu son refus d'allouer toute prestation par courrier du 22 juin 2005.

A.d Du 1er janvier 2003 au 1er janvier 2004, les services sociaux vaudois ont versé à Y.________ - au titre de l'aide sociale - un montant total de 30'168 fr.65 pour son entretien et celui de sa famille.

A.e Par décision sur opposition du 17 mars 2006, Y.________ s'est vu refuser le droit aux prestations de l'assurance-invalidité pour la période s'étendant du 18 avril 2001 à août 2005. Cette décision a été confirmée par le Tribunal des assurances du canton de Vaud dans un jugement du 7 janvier 2008; le tribunal a retenu l'existence d'un trouble somatoforme douloureux qui ne satisfaisait pas aux critères de la jurisprudence autorisant à lui reconnaître un caractère invalidant.

Par la suite, une rente entière d'invalidité sera servie à Y.________ à partir du 1er septembre 2006. En effet, son état de santé s'était détérioré. Dans un rapport du 30 septembre 2005 du DUPA, les Drs I.________ et K.________ ont ainsi diagnostiqué chez Y.________ un trouble dépressif majeur, épisode actuel sévère avec symptômes psychotiques, ainsi qu'un trouble somatoforme douloureux; l'hospitalisation immédiate du patient a été décidée.

B.

Par demande du 11 avril 2006, Y.________ a ouvert action contre l'assureur, concluant au paiement de 72'386 fr.80 plus intérêts à 5% dès le 14 janvier 2002. Ce montant représente la somme des indemnités journalières par 123 fr.95 du 14 janvier 2002 jusqu'à épuisement des prestations convenues contractuellement, soit jusqu'au 13 janvier 2004, sous déduction des indemnités journalières versées directement à R.________ SA entre le 13 février et le 30 avril 2002, puis entre le 25 mai et le 2 juillet 2002.

Les dossiers de l'assurance-invalidité et de l'assurance-accidents ont été produits dans la procédure.

Par jugement du 22 décembre 2009, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud a fait droit en principe à la demande de l'assuré, les...

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