Arrêt nº 6B 908/2009 de Tribunal Fédéral, 3 novembre 2010

Date de Résolution 3 novembre 2010

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Chapeau

136 IV 188

27. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause X. contre Ministère public de la Confédération (recours en matière pénale)

6B_908/2009 du 3 novembre 2010

Faits à partir de page 188

BGE 136 IV 188 S. 188

  1. Par arrêt du 18 septembre 2008 et complément du 18 mai 2009, la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral a notamment condamné X. pour blanchiment d'argent à une peine privative de liberté de 486 jours, avec sursis pendant trois ans, à une peine pécuniaire ferme de 54 jours-amende de 400 fr. par jour et au paiement des frais de la cause à hauteur de 59'073 fr.

    Cette condamnation repose, en résumé et pour l'essentiel, sur les éléments suivants.

    A.a En 1999, le gouvernement de l'Etat de Rio de Janeiro a constitué une nouvelle entité de contrôle fiscal des grandes sociétés implantées dans l'Etat, soit l'Inspectorat des grands contribuables, qui était dirigé par A. et chargé du redressement fiscal desdites entreprises, comprenant tant l'encaissement des impôts soustraits que les amendes y relatives. Cette structure rapportait plus de 80 % de la recette fiscale de l'Etat précité.

    Les agents de cette structure ont rapidement mis en place un système pour obtenir des sociétés inspectées qu'elles versassent des pots-de-vin en échange d'arrangements sur les amendes et redressements à encaisser par l'administration. En bref, ils désignaient un inspecteur qui se rendait dans les locaux de l'entreprise et lui demandait de produire divers documents à bref délai, sous peine d'amende. La brièveté du délai imparti avait pour but et conséquence de mettre l'entreprise dans l'impossibilité de l'observer, ce qui entraînait une série d'amendes et, avec la mise sous pression de la société, créait les conditions utiles au chantage. Apparaissait alors un intermédiaire étranger à l'administration fiscale, venant proposer à la société un BGE 136 IV 188 S. 189

    accord de clôture d'inspection et/ou de remise finale d'amende contre paiement d'un pot-de-vin. Par l'acceptation de cet accord, l'entreprise voyait l'inspection clôturée, ce qui lui permettait, d'une part, d'éviter de payer de nouvelles amendes et, d'autre part, d'échapper à un redressement fiscal plus important.

    Par arrêt du 19 septembre 2007, le Tribunal régional fédéral de la 2e région, statuant en appel, a confirmé la condamnation des trois agents fiscaux A., B. et C., pour corruption passive notamment.

    A.b A., B. et C. ont transféré, par le biais des services d'un changeur, l'argent issu du système de corruption exposé ci-dessus sur des comptes ouverts auprès de la banque D. dont le siège était à Genève et qui disposait de succursales à Zurich et Lugano.

    Cette banque a été dissoute sans liquidation le 26 juin 2002, la banque E. en ayant repris l'actif et le passif. Elle comprenait un Conseil d'administration et son Comité du Conseil, un Comité de Direction générale, un Comité de Direction locale pour chacune des succursales, un Comité de conformité, un organe de révision interne, des services juridiques et de compliance auprès du siège comme des succursales, ainsi que des chefs de groupe, des gestionnaires et des assistants gestionnaires. La banque D. agissait également par ses Bureaux de représentation à l'étranger, fonctionnant notamment comme pourvoyeurs d'affaires.

    A.c Le Comité de Direction locale de la succursale de Zurich était notamment composé de X., directeur du 1er janvier 2000 au 19 juin 2002, et de F., directeur adjoint et chef du groupe Amérique latine et Brésil I du 1er janvier 1991 au 19 juin 2002. G. en était le secrétaire.

    Le 30 mai 2000, ce dernier a attiré l'attention du Comité de Direction locale sur le fait que A. était mentionné comme auditeur fiscal pour deux comptes et vendeur de machines agricoles pour un troisième. La question de la possibilité de l'exercice d'une activité accessoire pour un agent public PEP était ainsi posée. De même, l'existence de transferts internes exécutés en faveur d'autres fonctionnaires fiscaux et l'importance des avoirs en compte étaient également relevées. Lors de sa séance du 4 août 2000, le Comité de conformité a chargé X. d'enquêter sur place sur la compatibilité de l'activité publique de A. avec le maintien de ses comptes auprès de la banque D. et de lui adresser un rapport.

    Le 9 février 2001, le Comité de Direction locale a pris connaissance du tableau établi par G. montrant l'accroissement des avoirs des BGE 136 IV 188 S. 190

    clients "fonctions publiques" entre le 1er janvier 2000 et le 5 février 2001. Ainsi, les avoirs de B. avaient augmenté de 330.10 % à près de 6'000'000 USD, ceux de A. de 257 % à plus de 10'000'000 USD sur un compte, son deuxième compte présentant un solde supérieur à 1'000'000 USD et le troisième un montant dépassant 400'000 USD. Les avoirs de C., déposés sur deux comptes, dépassaient 2'300'000 USD. Les membres du Comité de la Direction locale ont alors chargé F. de contacter le représentant à Rio de Janeiro pour lui demander des informations complémentaires sur A. Les éléments disponibles laissaient pourtant déjà présumer que les fonds des agents brésiliens pouvaient avoir une origine criminelle.

    Lors des quatre séances suivantes, soit les 13, 20, 27 février et 6 mars 2001, les membres du Comité de la Direction locale n'ont pas abordé la question des comptes des fiscalistes brésiliens. A l'occasion de la séance du 13 mars 2001, ils ne pouvaient que constater qu'ils n'avaient reçu aucune réponse aux questions soulevées par les comptes des agents susmentionnés. Ils devaient par conséquent soumettre ces cas au Comité de Direction générale, ce qu'ils n'ont toutefois pas fait, violant leurs obligations et empêchant de la sorte que les comptes fussent annoncés au Bureau de communication et les avoirs bloqués. Ces manquements se sont perpétués jusqu'à la fusion de la banque D. avec la banque E., le 19 juin 2002.

  2. X. a déposé un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Il a conclu, principalement, à son acquittement et, subsidiairement, au renvoi de la cause à la Cour des affaires pénales pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il a également requis l'effet suspensif. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où il a été recevable.

    Considérants

    Extrait des considérants:

    6. Invoquant une violation des art. 11 et 305bis CP, 9 al. 1 et 10 al. 1 de la loi fédérale du 10 octobre 1997 concernant la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme dans le secteur financier (loi sur le blanchiment d'argent, LBA; RS 955.0), le recourant conteste sa condamnation pour blanchiment d'argent. Il nie avoir eu une position de garant au sein de la banque (cf. infra consid. 6.2) et soutient qu'aucune omission ne saurait lui être reprochée (cf. infra consid. 6.3).

    6.1 Aux termes de l'art. 305bis CP, celui qui aura commis un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la BGE 136 IV 188 S. 191

    confiscation de valeurs patrimoniales dont il savait ou devait présumer qu'elles provenaient d'un crime, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

    Le blanchiment d'argent peut être commis par n'importe qui, la disposition précitée n'apportant aucune restriction quant à l'auteur de l'infraction. Si cette dernière a été commise au sein d'une entreprise, il convient d'examiner les responsabilités individuelles compte tenu de la division et de la répartition interne des tâches.

    Le blanchiment d'argent est une infraction de mise en danger abstraite, et non pas de résultat (ATF 128 IV 117 consid. 7a p. 131; ATF 127 IV 20 consid. 3a p. 25 s.). Le comportement délictueux consiste à entraver l'accès de l'autorité pénale au butin d'un crime, en rendant plus difficile l'établissement du lien de provenance entre la valeur patrimoniale et le crime. Il peut être réalisé par n'importe quel acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de la valeur patrimoniale provenant d'un crime (ATF 122 IV 211 consid. 2 p. 215; ATF 119 IV 242 consid. 1a p. 243). Ainsi, le fait de transférer des fonds de provenance criminelle d'un pays à un autre constitue un acte d'entrave (ATF 127 IV 20 consid. 2b/cc p. 24 et 3b p. 26). De même, le recours au change est un moyen de parvenir à la dissimulation de l'origine criminelle de fonds en espèces, qu'il s'agisse de convertir les billets dans une monnaie étrangère ou d'obtenir des coupures de montants différents (cf. URSULA CASSANI, Commentaire du droit pénal suisse, partie spéciale, vol. 9, 1996, n° 37 ad art. 305bis CP).

    6.2 Le blanchiment d'argent peut aussi être réalisé par omission si l'auteur se trouvait dans une position de garant qui entraînait pour lui une obligation juridique d'agir (cf. Message du 12 juin 1989 concernant la modification du code pénal suisse, FF 1989 II 983 ch. 231.1; JÜRG-BEAT ACKERMANN, in Kommentar Einziehung, organisiertes Verbrechen, Schmid [éd.], Geldwäscherei, vol. I, 1998, n° 371 et les références citées). En effet, selon l'art. 11 al. 1 CP, un crime ou un délit peut aussi être commis par un comportement passif contraire à une obligation d'agir. Tel est le cas, d'après l'alinéa 2 de cette disposition, lorsque l'auteur n'empêche pas la mise en danger ou la lésion du bien juridique protégé, bien qu'il y soit tenu à raison de sa situation juridique, notamment en vertu de la loi, d'un contrat, d'une communauté de risques ou de la création d'un risque. N'importe quelle obligation juridique ne suffit pas. Il faut qu'elle ait découlé d'une position de garant, c'est-à-dire que l'auteur se soit trouvé dans une BGE 136 IV 188 S. 192

    situation qui l'obligeait à ce point à protéger un bien déterminé contre des dangers indéterminés (devoir de protection), ou à empêcher la réalisation de risques connus auxquels des biens indéterminés étaient exposés (devoir de surveillance), que son omission peut être assimilée au fait de provoquer le résultat par un...

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