Arrêt nº 4A 234/2010 de Ire Cour de Droit Civil, 29 octobre 2010

Date de Résolution29 octobre 2010
SourceIre Cour de Droit Civil

Text Publié

Chapeau

136 III 605

90. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause Alejandro Valverde Belmonte contre Comitato Olimpico Nazionale Italiano (CONI), Agence Mondiale Antidopage (AMA) et Union Cycliste Internationale (UCI) (recours en matière civile)

4A_234/2010 du 29 octobre 2010

Faits à partir de page 605

BGE 136 III 605 S. 605

  1. Par décision du 11 mai 2009, le Tribunale Nazionale Antidoping du Comitato Olimpico Nazionale Italiano (CONI) a interdit à Alejandro Valverde Belmonte, coureur cycliste professionnel de BGE 136 III 605 S. 606

    nationalité espagnole, reconnu coupable de violation des normes antidopage italiennes (les NSA), de participer, pour une durée de deux ans, à des compétitions organisées par le CONI ou d'autres fédérations sportives nationales sur le territoire italien.

    B.

    B.a Le 16 juin 2009, Alejandro Valverde Belmonte a saisi le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) d'un appel dirigé contre cette décision.

    Par courrier du 30 juin 2009, le CONI a désigné Ulrich Haas, professeur de droit à Zurich, comme arbitre. Le Professeur Haas a accepté cette mission, par lettre du 9 juillet 2009, en précisant qu'il avait fait partie de l'équipe d'experts constituée sous l'égide de l'Agence Mondiale Antidopage (AMA) pour réviser le Code Mondial Antidopage en 2006/2007.

    Aucune des parties n'ayant requis la récusation du Professeur Haas, une Formation arbitrale, composée de Me Romano Subiotto QC (président), avocat à Bruxelles et à Londres, de Me José Juan Pintó (arbitre désigné par l'appelant), avocat à Barcelone, et d'Ulrich Haas, a été constituée le 3 août 2009. L'arbitre Pintó a renoncé ultérieurement à sa fonction en raison de son indisponibilité; il a été remplacé par Me Ruggero Stincardini, avocat à Pérouse.

    B.b Le 4 septembre 2009, le CONI a déposé son mémoire de réponse, en y formulant une demande d'appel en cause de l'Union Cycliste Internationale (UCI) et de l'AMA. Par décision préliminaire du 12 octobre 2009, le TAS a invité ces deux personnes morales à participer à la procédure d'arbitrage en qualité de co-intimées.

    Dans un courrier du 16 octobre 2009, l'appelant a mis en cause l'indépendance du Professeur Haas en raison de l'admission de l'AMA comme nouvelle partie à la procédure pendante. De ce fait, chaque arbitre a été invité à compléter sa précédente déclaration d'indépendance. Ulrich Haas l'a fait, le 23 octobre 2009, en indiquant qu'il avait dirigé, comme expert juridique, le groupe de neuf personnes choisies par l'AMA pour observer l'application du programme antidopage aux Jeux Olympiques d'Athènes, en 2004, et fournir au public un rapport écrit concernant le déroulement de ce programme.

    Par lettre du 29 octobre 2009, l'appelant a déposé une demande de récusation visant le Professeur Haas. En sus des motifs déjà invoqués dans son courrier du 16 octobre 2009, il y faisait également valoir, documents à l'appui, la participation de cette personne à diverses réunions ou conférences en qualité de représentant de l'AMA. BGE 136 III 605 S. 607

    Après avoir donné à tous les intéressés l'occasion de prendre position sur la demande de récusation, le Bureau du Conseil International de l'Arbitrage en matière de Sport (CIAS) a rejeté cette demande par décision du 23 novembre 2009. A l'appui de cette décision, le Bureau du CIAS a constaté que le Professeur Haas n'avait jamais représenté l'une des parties, mais s'était uniquement vu confier deux missions en tant qu'expert neutre et indépendant, dont la seconde s'était achevée en novembre 2007. Fort de cette constatation, il a énoncé les motifs suivants sur le point controversé:

    "36. Certes, il est possible qu'au vu de sa nomination par l'AMA à la fonction de Président des Observateurs Indépendants en 2004, de son obligation de rapporter ses observations à l'AMA, et de sa participation à la révision du Code établi sous l'égide de cette agence, le requérant ait pu avoir l'impression que le Professeur Ulrich Haas ne bénéficiait alors pas d'une indépendance absolue à l'égard de l'AMA et ce malgré la nature des missions qui lui étaient confiées. Le Bureau du CIAS estime toutefois qu'absolument aucun des motifs invoqués ne permet de douter de l'existence, aujourd'hui, d'un lien de subordination, économique ou encore affectif entre lui et cette partie susceptible d'entraver sa décision.

    37. Après avoir dûment considéré les arguments des parties, les observations du Professeur Haas, la doctrine, la jurisprudence et, à titre purement indicatif les lignes directrices de l'IBA [International Bar Associa

    tion], le Bureau du CIAS considère ainsi qu'il n'existe absolument au

    cune circonstance qui, constatée objectivement, serait de nature à éveiller des soupçons quant à l'impartialité ou à l'indépendance du Professeur Ulrich Haas dans le présent arbitrage. Il convient dès lors de rejeter la requête."

    B.c Le 30 décembre 2009, l'appelant a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral en vue d'obtenir l'annulation de la décision du CIAS.

    Par arrêt du 13 avril 2010, la Ire Cour de droit civil a constaté l'irrecevabilité du recours, la décision sur une demande de récusation prise par un organisme privé, tel le CIAS, ne pouvant pas être attaquée directement devant le Tribunal fédéral (cause 4A_644/2009).

    B.d Une fois la question de la récusation du Professeur Haas liquidée, le TAS a instruit la cause sur le fond. Cela fait, le 16 mars 2010, il a rendu, à l'unanimité, une sentence par laquelle il a confirmé la décision de suspension pour une durée de deux ans, à compter du 11 mai 2009, prise à l'encontre du coureur cycliste espagnol.

  2. Le 28 avril 2010, Alejandro Valverde Belmonte, agissant par la voie du recours en matière civile, a demandé au Tribunal fédéral d'annuler la sentence du TAS et de prononcer la récusation de l'arbitre Ulrich Haas. BGE 136 III 605 S. 608

    Après avoir procédé à un double échange d'écritures, le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où il était recevable.

    (résumé)

    Considérants

    Extrait des considérants:

    3. Dans un premier moyen, fondé sur l'art. 190 al. 2 let. a LDIP (RS 291), le recourant se plaint de la composition irrégulière de la Formation qui a rendu la sentence attaquée.

    3.1 Le 29 octobre 2009, le recourant, se conformant aux prescriptions de l'art. R34 du Code de l'arbitrage en matière de sport (; ci-après: Code), avait également déposé une demande de récusation visant l'arbitre Haas auprès du CIAS. Le Bureau de cet organisme a rejeté ladite demande par décision du 23 novembre 2009. Emanant d'un organisme privé, cette décision, qui ne pouvait pas faire l'objet d'un recours direct au Tribunal fédéral (cf., ci-dessus, let. B.c), ne saurait lier ce dernier. La Cour de céans peut donc revoir librement si les circonstances invoquées à l'appui de la demande de récusation sont de nature à fonder le grief de désignation irrégulière de la Formation du TAS comprenant l'arbitre incriminé (ATF 128 III 330 consid. 2.2 p. 332).

    3.2

    3.2.1 Un arbitre doit, à l'instar d'un juge étatique, présenter des garanties suffisantes d'indépendance et d'impartialité (ATF 125 I 389 consid. 4a; ATF 119 II 271 consid. 3b et les arrêts cités). Le non-respect de cette règle conduit à une désignation irrégulière relevant de l'art. 190 al. 2 let. a LDIP (ATF 118 II 359 consid. 3b). Pour dire si un arbitre présente de telles garanties, il faut se référer aux principes constitutionnels développés au sujet des tribunaux étatiques (ATF 125 I 389 consid. 4a; ATF 118 II 359 consid. 3c p. 361). Il convient, toutefois, de tenir compte des spécificités de l'arbitrage, et singulièrement de l'arbitrage international, lors de l'examen des circonstances du cas concret (ATF 129 III 445 consid. 3.3.3 p. 454).

    Selon l'art. 30 al. 1 Cst., toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Cette garantie permet d'exiger la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à faire naître un doute sur son impartialité (ATF 126 I 68 consid. 3a p. 73); elle tend BGE 136 III 605 S. 609

    notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du juge est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée; il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération; les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 128 V 82 consid. 2a p. 84 et les arrêts cités).

    L'impartialité subjective - qui est présumée jusqu'à preuve du contraire - assure à chacun que sa cause sera jugée sans acception de personne (ATF 129 III 445 consid. 3.3.3 p. 454; ATF 128 V 82 consid. 2a p. 84 et les arrêts cités).

    L'impartialité objective tend notamment à empêcher la participation du même magistrat à des titres divers dans une même cause (ATF 131 I 113 consid. 3.4 p. 117) et à garantir l'indépendance du juge à l'égard de chacun des plaideurs (arrêt 4P.187/2006 du 1er novembre 2006 consid. 3.2.2).

    3.2.2 La partie qui entend récuser un arbitre doit invoquer le motif de récusation aussitôt qu'elle en a connaissance. Cette règle jurisprudentielle, reprise expressément à l'art. R34 du Code, vise aussi bien les motifs de récusation que la partie intéressée connaissait effectivement que ceux qu'elle aurait pu connaître en faisant preuve de l'attention voulue (ATF 129 III 445 consid. 4.2.2.1 p. 465 et les références), étant précisé que choisir de rester dans l'ignorance peut être regardé, suivant les cas, comme une manoeuvre abusive comparable au fait de différer l'annonce d'une demande de récusation (arrêt 4A_506/2007 du 20 mars 2008...

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