Arrêt nº 4A 458/2009 de Ire Cour de Droit Civil, 10 juin 2010

Date de Résolution10 juin 2010
SourceIre Cour de Droit Civil

Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

{T 1/2}

4A_458/2009

Arrêt du 10 juin 2010

Ire Cour de droit civil

Composition

Mmes et MM. les Juges Klett, présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss.

Greffier: M. Carruzzo.

Parties

Adrian Mutu, représenté par Mes François Carrard et Edgar Philippin,

recourant,

contre

Chelsea Football Club Limited, représenté par Mes Stephan Netzle et Bernhard Berger,

intimé.

Objet

arbitrage international; composition du tribunal arbitral; ordre public,

recours en matière civile contre la sentence rendue le

31 juillet 2009 par le Tribunal Arbitral du Sport (TAS).

Faits:

A.

A.a Adrian Mutu est un footballeur professionnel de nationalité roumaine, né le 8 janvier 1979.

Chelsea Football Club Limited (ci-après: Chelsea) est un club de football londonien qui dispute le championnat de Première Ligue sous l'égide de l'association anglaise de football (FA), laquelle est affiliée à la Fédération Internationale de Football Association (FIFA).

A.b Le 11 août 2003, Adrian Mutu et Chelsea ont conclu un contrat de travail, régi par le droit anglais, pour une durée de cinq ans, soit jusqu'au 30 juin 2008. En vertu de ce contrat, le joueur devait toucher un salaire annuel de 2'350'000 livres sterling (GBP), une prime d'engagement de 330'000 GBP, payable en cinq tranches, ainsi que des bonus aux conditions prévues par le règlement ad hoc du club.

Le lendemain, Adrian Mutu a été transféré du club italien de l'AC Parma, avec lequel il était sous contrat, à Chelsea. Le club anglais a versé une indemnité de transfert de 22'500'000 euros au club italien.

Le 1er octobre 2004, la FA a fait procéder à un test antidopage ciblé qui a révélé la présence de cocaïne dans l'échantillon prélevé sur Adrian Mutu.

En date du 28 octobre 2004, Chelsea a résilié le contrat de travail avec effet immédiat.

Par décision du 4 novembre 2004, la commission disciplinaire de la FA a suspendu Adrian Mutu de toute compétition pour une durée de sept mois à compter du 24 octobre 2004. Le comité disciplinaire de la FIFA a étendu cette sanction au monde entier en date du 12 novembre 2004.

En janvier 2005, Adrian Mutu est parti pour l'Italie. Une fois échue sa période de suspension, il a joué pour le club de la Juventus de Turin avant d'être transféré, en juillet 2006, à la Fiorentina, club sous les couleurs duquel il évolue actuellement.

B.

B.a A fin janvier 2005, les parties sont tombées d'accord pour soumettre au Comité d'appel de la Première Ligue anglaise (FAPLAC) la question de savoir s'il y avait eu rupture unilatérale du contrat par le joueur sans juste motif ou sans juste cause sportive, au sens des art. 21 à 23 du Règlement de la FIFA concernant le Statut et le Transfert des Joueurs, dans sa version du 5 juillet 2001 (ci-après: le Règlement 2001).

Le 20 avril 2005, le FAPLAC a répondu à cette question par l'affirmative.

Saisie d'un appel du joueur contre cette décision, une Formation du Tribunal Arbitral du Sport (TAS), présidée par l'avocat allemand Dirk-Reiner Martens, l'a rejeté par sentence du 15 décembre 2005. Devant elle, Adrian Mutu avait certes reconnu avoir commis une violation grave de ses obligations contractuelles en consommant de la cocaïne. Il soutenait, toutefois, que ce n'était pas lui qui avait pris l'initiative de résilier le contrat de travail, de sorte que les dispositions topiques du Règlement 2001 n'étaient pas applicables en l'espèce. Ecartant cet argument, la Formation a jugé que les termes "unilateral breach", figurant à l'art. 21 du Règlement 2001, visaient indiscutablement la rupture d'un contrat de travail et non pas sa résiliation. Elle a, par ailleurs, refusé de suivre l'avis de l'appelant selon lequel il conviendrait de traiter différemment le joueur qui abandonne son club et celui qui commet une violation grave de ses obligations contractuelles, par ex. en consommant de la cocaïne.

B.b Le 11 mai 2006, Chelsea a saisi la FIFA en vue d'obtenir des dommages-intérêts consécutifs à la rupture du contrat commise par Adrian Mutu.

Par décision du 26 octobre 2006, la Chambre de règlement des litiges (CRL) s'est déclarée incompétente pour statuer en la matière.

Saisi par le club anglais, le TAS, siégeant dans une nouvelle composition, a annulé cette décision, par sentence du 21 mai 2007, et renvoyé la cause à la CRL afin qu'elle se prononce sur le fond.

B.c Devant la CRL, Chelsea a réclamé le paiement d'une indemnité qui ne fût pas inférieure à 22'661'641 GBP. De son côté, Adrian Mutu a conclu au rejet intégral de la demande.

Statuant le 7 mai 2008, la CRL a condamné Adrian Mutu à payer à Chelsea la somme de 17'173'990 euros dans les 30 jours à compter de la notification de sa décision, faute de quoi ladite somme porterait intérêts au taux de 5% l'an et le cas serait soumis au Comité de discipline de la FIFA.

B.d Contre cette décision, notifiée aux parties le 13 août 2008, Adrian Mutu a interjeté appel auprès du TAS, en date du 2 septembre 2008, en vue d'obtenir sa libération totale des fins de la demande. Il a choisi l'avocat français Jean-Jacques Bertrand comme arbitre.

Pour sa part, Chelsea, concluant au rejet de l'appel, a désigné, le 12 septembre 2008, Me Dirk-Reiner Martens, prénommé, en tant qu'arbitre. Le 22 septembre 2008, Adrian Mutu a requis la récusation de cet arbitre. Par décision du 13 janvier 2009, le Bureau du Conseil International de l'Arbitrage en matière de Sport (CIAS) a rejeté la requête de récusation.

Le 14 janvier 2009, le TAS a informé les parties que la Formation serait constituée des arbitres précités et d'une troisième personne, le Professeur Luigi Fumagalli, avocat à Milan, qui en assumerait la présidence.

La FIFA a renoncé expressément à intervenir dans la procédure d'appel.

Par sentence finale du 31 juillet 2009, le TAS a rejeté l'appel et condamné Adrian Mutu à payer à Chelsea la somme de 17'173'990 euros avec intérêts à 5% l'an dès le 12 septembre 2008. Les frais de l'arbitrage ainsi qu'une participation de 50'000 fr. aux dépens du club anglais ont été mis à la charge du joueur.

En résumé, le TAS a admis sa compétence, du reste non contestée, pour examiner, avec une cognition libre à l'égard tant des faits que du droit, l'appel qui lui était soumis. A son avis, la cause devait être jugée à la lumière du droit anglais et du Règlement 2001 appliqués concurremment. Pour le TAS, étant donné l'autorité de la chose jugée attachée aux deux sentences déjà rendues dans cette affaire, la seule question encore litigieuse était celle du montant des dommages-intérêts dont le joueur était redevable envers le club anglais. Selon les arbitres, la fixation de ce montant pouvait s'effectuer, en conformité avec la jurisprudence relative à l'art. 22 du Règlement 2001 et avec le droit anglais, en prenant pour base la partie non amortie des frais d'acquisition du footballeur, ainsi calculée: 16'923'060 euros pour l'indemnité de transfert versée à l'AC Parma, 150'436 euros pour la commission payée à un agent de joueurs à l'occasion de ce transfert, 99'264 GBP pour le bonus d'engagement alloué à Adrian Mutu, 761'552 euros pour une contribution de solidarité versée aux clubs formateurs, 272'580 GBP pour une charge de transfert payée par le club anglais et 1'278'640 euros pour les commissions versées par ce dernier à ses propres agents dans le cadre du transfert en question. Il en résultait un total de 19'113'688 euros et 371'844 GBP. Toutefois, pour respecter le principe ne eat judex ultra petita partium, le TAS a réduit ces montants à la somme allouée par le CRL, c'est-à-dire 17'173'990 euros. Il s'est ensuite employé à démontrer pourquoi les dispositions pertinentes du Règlement 2001, telles qu'appliquées en l'espèce, ne violaient, selon lui, ni le droit communautaire ni les principes du droit anglais invoqués par l'appelant. Les arbitres ont ajouté que leur sentence tenait compte, comme il se devait, de la spécificité du sport et, plus particulièrement, des intérêts des joueurs, des clubs et de l'ensemble des personnes appartenant au monde du football.

C.

Le 14 septembre 2009, Adrian Mutu (ci-après: le recourant) a déposé un recours en matière civile au Tribunal fédéral aux fins d'obtenir l'annulation de la sentence du 31 juillet 2009 et la mise à la charge de Chelsea de tous les frais de la procédure arbitrale. Le recourant a également sollicité l'octroi de l'effet suspensif. Cette requête a été admise par ordonnance présidentielle du 19 octobre 2009.

Dans sa réponse du 6 novembre 2009, Chelsea (ci-après: l'intimé) conclut principalement à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, au rejet de celui-ci. Quant au TAS, qui a déposé sa réponse le 11 novembre 2009, il propose lui aussi le rejet du recours.

Le 2 février 2010, les conseils de l'intimé ont versé au dossier deux coupures de presse relatives au recourant. Par lettre du 3 février 2010, l'avocat de ce dernier s'est opposé à ce que ces pièces soient prises en compte par le Tribunal fédéral.

Considérant en droit:

  1. D'après l'art. 54 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision est rédigée dans une autre langue (ici l'anglais), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le TAS, celles-ci ont utilisé l'anglais. Dans les mémoires adressés au Tribunal fédéral, elles ont employé qui le français (le recourant), qui l'allemand (l'intimé). Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral adoptera la langue du recours et rendra, par conséquent, son arrêt en français.

  2. Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions prévues par les art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 LTF).

    2.1 Le siège du TAS se trouve à Lausanne. L'une des parties au moins (en l'occurrence, les deux) n'avait pas son domicile en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du...

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