Arrêt nº 4A 582/2009 de Ire Cour de Droit Civil, 13 avril 2010

Date de Résolution13 avril 2010
SourceIre Cour de Droit Civil

Text Publié

Chapeau

136 III 200

31. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause X. SA contre Y. BV (recours en matière civile)

4A_582/2009 du 13 avril 2010

Faits à partir de page 200

BGE 136 III 200 S. 200

A.

A.a Y. BV (ci-après: Y.), société de droit néerlandais, est titulaire des droits d'exploitation exclusifs de la marque A. (ci-après: la marque) pour des vêtements. En novembre 2005, X. SA (ci-après: X.), société de droit suisse, a repris d'un tiers l'exploitation de magasins à l'enseigne A., ainsi que la fabrication et la distribution des vêtements portant la marque. Elle a sollicité de Y. la conclusion d'un nouveau contrat de licence d'exploitation de la marque à compter du 1er janvier 2006. Les deux sociétés ont alors entamé des discussions qui se sont avérées difficiles. BGE 136 III 200 S. 201

Finalement, un contrat de licence a été conclu le 31 janvier 2008. Y. y concédait à X. une licence exclusive d'exploitation de la marque dans différents pays européens, via un réseau de boutiques et à l'exclusion des grandes surfaces, contre paiement d'une redevance annuelle égale à 5 % du chiffre d'affaires, mais de 600'000 euros au minimum. Tacitement reconductible, le contrat était conclu pour une année. Il prévoyait divers cas de résiliation immédiate à son art. 14, notamment la violation grave des engagements réciproques, et prescrivait, à son art. 16, la procédure à suivre une fois le contrat résilié. Entre autres obligations, le preneur de licence se voyait contraint de vendre, dans les délais les plus brefs possibles, le stock d'articles en sa possession. Le contrat de licence comportait une clause compromissoire en vertu de laquelle tout litige entre les parties devait être soumis à l'arbitrage, conformément au Règlement d'arbitrage accéléré de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). Le siège de l'arbitrage était fixé à Genève, le français désigné comme langue de la procédure arbitrale et le litige soumis au droit néerlandais.

A.b Dès la fin juillet 2008, des problèmes d'exécution du contrat de licence ont divisé les parties, qui ont tenté de les régler.

Par lettre recommandée du 26 janvier 2009, Y. a notifié à X. la résiliation du contrat pour violation grave des obligations en découlant. Contestant toute violation du contrat, la société suisse a cependant décidé d'accepter la résiliation de celui-ci avec effet au 31 janvier 2009, mais en formulant des réserves expresses quant à l'indemnisation du préjudice que la situation engendrait pour elle.

La mise en oeuvre de la procédure prévue à l'art. 16 du contrat pour la liquidation des rapports entre les parties a donné lieu à des difficultés. Y. reprochait à X. de chercher à écouler son stock en dehors du réseau de distribution sélectif, tandis que celle-ci faisait grief à celle-là de l'empêcher de vendre son stock.

Y. a fait part à X. de sa volonté de reprendre la totalité du stock d'articles A. restant en sa possession. Par lettre du 31 juillet 2009, elle a formulé une offre amiable chiffrée se montant à 1'080'005,45 euros en ajoutant qu'elle se remettait d'avance au dire d'un expert si cette offre n'était pas acceptée. X. lui a répondu, le 1er septembre 2009, qu'elle ne pouvait pas y donner suite car elle avait la possibilité de négocier le stock à un prix se situant entre 3'163'474,93 euros et 4'519'249,90 euros. BGE 136 III 200 S. 202

Le 1er août 2009, toutes les boutiques A. exploitées par X. ou ses concessionnaires ont été rebaptisées "B.". Elles ont continué à écouler les articles A. restant en stock.

B.

B.a En date du 3 août 2009, X. a adressé au Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI (ci-après: le Centre) une demande de dommages-intérêts pour inexécution et rupture abusive du contrat de licence ainsi qu'une requête de mesures provisoires. Sur le fond, elle a conclu, en substance, à la constatation de la nullité de la résiliation du contrat de licence, à la condamnation de Y. au paiement de dommages-intérêts arrêtés à 4'679'588,30 euros et d'une indemnité pour tort moral, de même qu'à la compensation avec les créances de son adverse partie. Quant aux conclusions relatives aux mesures provisoires, elles tendaient, d'une part, à ce qu'interdiction fût faite à Y. d'entraver, par quelque moyen que ce fût, les démarches entreprises par X. pour vendre le stock en sa possession et, d'autre part, à ce que la requérante fût autorisée à écouler son stock, dans son état au 28 juillet 2009, par tous canaux et moyens de vente au-delà du 31 juillet 2009.

Par lettre du 19 août 2009, le Centre a notifié aux parties la désignation de Me T., avocat, comme arbitre unique.

Le 20 août 2009, Y. a adressé au Centre une réponse à la requête de X. ainsi qu'une demande reconventionnelle en dommages-intérêts non chiffrée, pour inexécution du contrat de licence, accompagnée d'une demande de mesures provisoires. Par ces dernières, la requérante entendait obtenir, entre autres choses, la cession ou la consignation du stock de produits A. jusqu'au prononcé de la sentence arbitrale.

B.b L'arbitre unique a tenu, le 18 septembre 2009 à Genève, une audience consacrée aux requêtes de mesures provisoires formulées par les parties. Après quoi, le 7 octobre 2009, il a rendu une "sentence préliminaire" dans le dispositif de laquelle il a, notamment, enjoint à X. de céder à Y. le stock de produits A. en sa possession, fixé les modalités des opérations de cession et ordonné à Y. de payer à X. la somme provisoire de 1'080'005,45 euros.

C. Le 20 novembre 2009, X. a formé un recours en matière civile. Reprochant à l'arbitre unique d'avoir statué extra petita (art. 190 al. 2 let. c LDIP), d'avoir violé son droit d'être entendue en procédure contradictoire (art. 190 al. 2 let. d LDIP) et d'avoir rendu une BGE 136 III 200 S. 203

sentence incompatible avec l'ordre public (art. 190 al. 2 let. e LDIP), la recourante demande au Tribunal fédéral d'annuler certains chefs du dispositif de la sentence attaquée et, subsidiairement, de constaterla nullité de cette sentence.

Dans sa réponse du 11 janvier 2010, Y. a conclu principalement à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, au rejet de celui-ci.

Le Tribunal fédéral a déclaré le recours irrecevable.

(résumé)

Extrait des considérants:

Extrait des considérants:

2. (...)

2.3 La dernière objection a trait à la nature de la décision attaquée. Pour l'intimée, étant donné qu'elle revêt tous les éléments caractéristiques d'une ordonnance de mesures provisoires, cette décision n'est pas susceptible de recours.

2.3.1 Le recours en matière civile, au sens de l'art. 77 LTF en liaison avec les art. 190 à 192 LDIP (RS 291), n'est recevable qu'à l'encontre d'une sentence. L'acte attaquable peut être une sentence finale, qui met un terme à l'instance arbitrale pour un motif de fond ou de procédure, une sentence partielle, qui porte sur une partie quantitativement limitée d'une prétention litigieuse ou sur l'une des diverses prétentions en cause, voire une sentence préjudicielle ou incidente, qui règle une ou plusieurs questions préalables de fond ou de procédure (sur ces notions, cf. l' ATF 130 III 755 consid. 1.2.1 p. 757). En revanche, une simple ordonnance de procédure pouvant être modifiée ou rapportée en cours d'instance n'est pas susceptible de recours (arrêt 4A_600/2008 du 20 février 2009 consid. 2.3).

Le cas des décisions sur mesures provisionnelles, visées par l'art. 183 LDIP, n'a pas encore été examiné par le Tribunal fédéral à ce jour. Il est cependant unanimement admis dans la doctrine - à juste titre -que le recours en matière civile n'est pas recevable contre de telles décisions, car elles ne constituent ni des sentences finales, ni des sentences partielles, ni des sentences préjudicielles ou incidentes(BERGER/KELLERHALS, Internationale und interne Schiedsgerichtsbarkeit in der Schweiz, 2006, nos 1157 et 1539; KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, Arbitrage international, 2006, n° 721; BERNARD DUTOIT, Droit international privé suisse, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, 4e éd. 2005, n° 2 i.f. ad art. 183 LDIP; POUDRET/BESSON, Comparative Law of International Arbitration, 2e éd. 2007, n° 622 p. 533; RÜEDE/HADENFELDT, Schweizerisches Schiedsgerichtsrecht, BGE 136 III 200 S. 204

2e éd. 1993-99, p. 253 let. ff; LALIVE/POUDRET/REYMOND, Le droit de l'arbitrage interne et international en Suisse, 1989, n° 13 ad art. 183 LDIP; SÉBASTIEN BESSON, Arbitrage international et mesures provisoires, 1998, n° 495 p. 297; CESARE JERMINI, Die Anfechtung der Schiedssprüche im internationalen Privatrecht, 1997, n° 65 avec d'autres références en note de pied 243; ELLIOTT GEISINGER, Les relations entre l'arbitrage commercial international et la justice étatique en matière de mesures provisionnelles, SJ 2005 II p. 375 ss, 382 note de pied 21). Demeure réservée l'hypothèse dans laquelle l'arbitre, sous couleur d'ordonner des mesures provisionnelles, aurait en fait rendu une sentence proprement dite (LALIVE/POUDRET/REYMOND,ibid.; POUDRET/BESSON, ibid.;GEISINGER, ibid.).

2.3.2 L'art. 183 LDIP permet au tribunal arbitral d'ordonner, sauf convention contraire, des mesures provisionnelles ou des mesures conservatoires (al. 1) et de les subordonner, le cas échéant, à la fourniture de sûretés (al. 3). Si la partie concernée ne s'y soumet pas volontairement, le tribunal arbitral peut requérir le concours du juge compétent (al. 3).

Les mesures provisionnelles ou provisoires (vorsorgliche Massnahmen ou einstweilige Verfügungen) sont les mesures qu'une partie peut requérir pour la protection provisoire de son droit pendant la durée du procès au fond et, dans certains cas, avant même l'ouverture de celui-ci (FABIENNE HOHL, Procédure civile, vol. II, 2002, n° 2776). Encore qu'il existe un grand nombre de distinctions et de classifications, en raison de la nature même de cette institution juridique (BESSON, op. cit., n° 38 p. 39), la doctrine classe généralement les mesures provisionnelles en trois catégories, en...

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