Arrêt nº 1A.49/2002 de Ire Cour de Droit Civil, 23 avril 2003

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Date de Résolution23 avril 2003
SourceIre Cour de Droit Civil

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Chapeau

129 II 268

26. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause Abacha et consorts contre Office fédéral de la justice (recours de droit administratif)

1A.49/2002 du 23 avril 2003

Faits à partir de page 268

BGE 129 II 268 S. 268

La République fédérale du Nigeria a demandé l'entraide à la Suisse pour les besoins de l'enquête ouverte au Nigeria au sujet des détournements de fonds dont se seraient rendus coupables feu Sani Abacha, chef de l'Etat de novembre 1993 à juin 1998, ainsi que ses proches (dont son épouse Maryam Abacha, ses fils Mohammed, Ibrahim et Abba, ainsi que l'homme d'affaires Abubakar Attiku Bagudu).

En exécution de cette demande, l'Office fédéral de la justice a ordonné la transmission à l'Etat requérant de la documentation relative à trente-quatre comptes bancaires saisis en Suisse.

Le Tribunal fédéral a admis partiellement, au sens des considérants, les recours de droit administratif formés contre les décisions de clôture notamment par Maryam, Mohammed et Abba Abacha.

BGE 129 II 268 S. 269

Extrait des considérants:

Extrait des considérants:

2.

2.3.3 La jurisprudence reconnaît la qualité pour agir uniquement à la personne (physique ou morale) titulaire du compte dont la documentation doit être remise à l'Etat requérant. L'ayant droit économique du compte n'a en principe pas cette qualité (ATF 122 II 130 consid. 2b p. 132/133). Jusqu'à présent, l'utilisation d'un pseudonyme ou d'un faux nom n'a pas constitué un empêchement à user des voies de droit. Ce point mérite d'être tranché.

Certains comptes visés par les décisions attaquées ont été ouverts au nom de trois ressortissants nigérians non identifiés et qui n'ont pas participé à la procédure. Il s'agit des comptes ouverts par les dénommés Sani Mohammed (comptes nos 4 et 9), Sani Abba Mohammed (compte no 20), Ibrahim Sani et Muhammad Sani Abdu (compte no 24), Abba Muhammad Sani et Ibrahim Muhammad Sani (compte no 25), Ibrahim Muhammed Sani et Abba Sani (compte no 26), Sani Abdu Mohammed et Sani Ibrahim (compte no 27), Ibrahim Muhammad et Sani Abba Muhammad (compte no 28), ainsi que Ibrahim Muhammad et Sani Abdu Muhammad (compte no 29). Les recourants (spécialement Maryam Abacha comme héritière de son fils Ibrahim, ainsi que Mohammed et Abba Abacha) affirment être titulaires de ces comptes, sans toutefois fournir la moindre explication permettant de vérifier cette assertion. Il est possible que les trois fils de Sani Abacha aient ouvert ces comptes, sur la présentation de pièces d'identité indiquant de faux noms (qui évitaient soigneusement toute référence au nom d'Abacha). Il demeure toutefois à ce propos une incertitude que les recourants n'ont pas levée.

Dans la ligne de la jurisprudence qui vient d'être rappelée, il se justifie également de dénier en principe la qualité pour recourir à celui qui se présente comme titulaire d'un compte qu'il aurait ouvert sous un faux nom. La personne qui cache son identité véritable à la banque en produisant de faux documents officiels se place en effet dans la même situation que celui qui, ne voulant pas apparaître, use des services d'un intermédiaire. Il ne convient pas pour le surplus d'accorder une protection juridique étendue selon la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP; RS 351.1) à celui qui cache son identité véritable à la banque et contourne ainsi les obligations d'identification imposées par la loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d'argent dans le secteur financier (LBA; RS 955.0) (cf., dans le même contexte de fait, la décision rendue le 30 août 2000 par la Commission fédéraleBGE 129 II 268 S. 270

des banques, reproduite in Bulletin de la CFB 41/2000 p. 15 ss; cf. aussi la décision rendue le 25 août 1999 par la Commission de surveillance instituée selon la Convention de diligence des banques, relative au défaut d'identification du titulaire et des ayants droit du compte no 1). Une exception serait tout au plus envisageable pour celui qui fournit la preuve qu'il est effectivement le titulaire du compte, ainsi qu'une explication sur les motifs pouvant, selon les circonstances, expliquer (voire justifier) l'utilisation d'un faux nom. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce.

Les recours doivent ainsi être déclarés irrecevables en tant qu'ils concernent les comptes nos 4, 9, 20, 24, 25, 26, 27, 28 et 29. Les documents y relatifs peuvent être transmis à l'Etat requérant. Maryam Abacha, comme héritière de son fils Ibrahim, n'a pas qualité pour agir pour lui, s'agissant des comptes qu'il aurait ouverts sous un faux nom. Sont également irrecevables, faute de qualité pour agir, le recours no 1 en tant qu'il est formé par Mohammed Abacha et le recours no 2 en tant qu'il est formé par Abba Abacha. Le recours no 4 est entièrement irrecevable. Maryam, Mohammed et Abba Abacha ont qualité pour agir en leur qualité d'hoirs de Sani Abacha, pour ce qui concerne le compte no 23.

(...)

6. Les recourants invoquent l'art. 2 EIMP en alléguant qu'ils seraient exposés à de mauvais traitements s'ils étaient détenus au Nigeria (art. 2 let. d EIMP) et au risque de violation de leurs droits procéduraux garantis par l'art. 14 du Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (Pacte ONU II; RS 0.103.2) (art. 2 let. a EIMP). Les recourants nos 1 à 14 se prévalent en outre de l'art. 2 let. b EIMP, à teneur duquel la demande est irrecevable s'il y a lieu d'admettre que la procédure dans l'Etat requérant tend à poursuivre une personne en raison de ses opinions politiques, de son appartenance à un groupe social déterminé, de sa race, de sa confession ou de sa nationalité. Seules les personnes physiques sont habilitées à soulever ces griefs, à l'exclusion des personnes morales (ATF 126 II 258 consid. 2d/aa p. 260;ATF 125 II 356 consid. 3b/bb p. 362;ATF 115 Ib 68 consid. 6 p. 86/87).

6.1 L'art. 2 EIMP a pour but d'éviter que la Suisse prête son concours, par le biais de l'entraide judiciaire ou de l'extradition, à des procédures qui ne garantiraient pas à la personne poursuivie un standard de protection minimal correspondant à celui offert par le droit des Etats démocratiques, défini en particulier par la CEDH ou le Pacte ONU II, ou qui heurteraient des normes reconnues comme appartenantBGE 129 II 268 S. 271

à l'ordre public international (ATF 126 II 324 consid. 4a p. 326;ATF 125 II 356 consid. 8a p. 364;ATF 123 II 161 consid. 6a p. 166/167, 511 consid. 5a p. 517, 595 consid. 5c p. 608;ATF 122 II 140 consid. 5a p. 142). La Suisse elle-même contreviendrait à ses obligations internationales en extradant une personne à un Etat où il existe des motifs sérieux de penser qu'un risque de traitement contraire à la CEDH ou au Pacte ONU II menace l'intéressé (ATF 126 II 258 consid. 2d/aa p. 260;ATF 125 II 356 consid. 8a p. 364;ATF 123 II 161 consid. 6a p. 167, 511 consid. 5a p. 517;ATF 121 II 296 consid. 3b p. 298/299). Comme cela résulte du libellé de l'art. 2 EIMP, cette règle s'applique à toutes les formes de coopération internationale, y compris l'entraide (ATF 125 II 356 consid. 8a p. 364;ATF 123 II 595 consid. 5c p. 608). L'examen des conditions posées par l'art. 2 EIMP implique un jugement de valeur sur les affaires internes de l'Etat requérant, en particulier sur son régime politique, sur ses institutions, sur sa conception des droits fondamentaux et leur respect effectif, et sur l'indépendance et l'impartialité du pouvoir judiciaire (ATF 126 II 324 consid. 4a p. 326;ATF 125 II 356 consid. 8a p. 364;ATF 123 II 161 consid. 6b p. 167, 511 consid. 5b p. 517;ATF 122 II 373 consid. 2a p. 376/377, et les arrêts cités). Le juge de la coopération doit faire preuve à cet égard d'une prudence particulière. Il ne suffit pas que la personne accusée dans le procès pénal ouvert dans l'Etat requérant se prétende menacée du fait d'une situation politico-juridique spéciale; il lui appartient de rendre vraisemblable l'existence d'un risque sérieux et objectif d'une grave violation des droits de l'homme dans l'Etat requérant, susceptible de la toucher de manière concrète (ATF 125 II 356 consid. 8a p. 364;ATF 123 II 161 consid. 6b p. 167, 511 consid. 5b p. 517;ATF 122 II 373 consid. 2a p. 377, et les arrêts cités). Peut se prévaloir de l'art. 2 EIMP la personne dont est demandée l'extradition (ATF 123 II 511) ou le transfèrement (ATF 123 II 175). Lorsque l'Etat requérant demande l'entraide judiciaire et notamment la remise de documents bancaires, peut invoquer l'art. 2 EIMP l'accusé se trouvant sur le territoire de l'Etat requérant (ATF 125 II 356 consid. 8b p. 365;ATF 123 II 161) et qui peut démontrer être concrètement exposé au risque de mauvais traitements ou de violation de ses droits de procédure (ATF 126 II 324 consid. 4e p. 328). En revanche, n'est pas recevable à se plaindre de la violation de l'art. 2 EIMP celui qui se trouve à l'étranger ou qui réside sur le territoire de l'Etat requérant sans y courir aucun danger (ATF 126 II 324 consid. 4e p. 328;ATF 125 II 356 consid. 8b p. 365).

6.2 Bagudu ne se trouve pas au Nigeria et rien ne laisse présager qu'il veuille y retourner, du moins en l'état actuel des choses. Il neBGE 129 II 268 S. 272

prétend pas, de surcroît, faire l'objet d'une demande d'extradition de la part des autorités nigérianes. Cela exclut qu'il puisse soulever le grief tiré de l'art. 2 EIMP (ATF 125 II 356 consid. 8b p. 365). Mohammed Abacha, dans un premier temps détenu à la prison de Kirikiri pour un autre motif que les faits à l'origine de la demande, a, dans l'intervalle, été remis en liberté. Il a été assigné à résidence, sous une surveillance étroite. Ni lui, ni Maryam Abacha, ni Abba Abacha n'ont été, en l'état de la procédure ouverte dans l'Etat requérant, inculpés, accusés ou mis en détention préventive. Aucun d'entre eux n'expose courir un risque concret d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique de la part des autorités nigérianes. Ils ne se plaignent pas davantage d'être...

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