Arrêt nº 6S.443/2000 de Cour de Droit Pénal, 1 février 2001

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Date de Résolution 1 février 2001
SourceCour de Droit Pénal

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127 IV 49

  1. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 1er février 2001 dans la cause A. contre Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en nullité)

    Faits à partir de page 50

    BGE 127 IV 49 S. 50

    A.- Par jugement du 16 novembre 1999, le Tribunal correctionnel du district d'Aigle a condamné A., pour abus de confiance (art. 140 ch. 1 al. 2 aCP) et complicité de faux dans les titres commis dans l'exercice de fonctions publiques (art. 317 CP), à la peine de 2 ans d'emprisonnement, le libérant en revanche des chefs d'accusation d'abus de confiance qualifié, de faux dans les titres et d'obtention frauduleuse d'une constatation fausse. Il a par ailleurs condamné un coaccusé, B., pour des infractions similaires, statuant en outre sur le sort d'avoirs séquestrés, sur des conclusions civiles et sur les frais.

    B.- La condamnation de A. pour abus de confiance repose, en résumé, sur les faits suivants.

    a) Né en 1931, A., après avoir exercé diverses activités, a ouvert un bureau de gérance immobilière à Aigle. Dès 1984, il s'est consacré exclusivement au courtage immobilier.

    En mai 1987, il s'est associé avec B., architecte, et feu C., notaire bien implanté de la place, pour constituer une société simple, en vue d'une importante promotion immobilière sur une parcelle d'Ormont-Dessous, où se trouvait un hôtel voué à la démolition. Souscrit le 15 mai 1987, le contrat de société simple conférait notamment à A. le pouvoir de gérer le compte bancaire de la promotion,BGE 127 IV 49 S. 51

    ouvert auprès de la Banque vaudoise de crédit, d'arrêter les prix de vente, de signer les actes de vente et les actes administratifs nécessaires à la réalisation du but de la société et de signer et avaliser les plans et documents à établir par l'architecte B. La vente immobilière a été instrumentée le même jour par le notaire C., A. devenant propriétaire de l'immeuble.

    b) Le 4 mars 1988, A. et ses deux associés se sont vus accorder par la Banque vaudoise de crédit un prêt de fr. 10'500'000.-, sous la forme d'un crédit de construction "exploitable au fur et à mesure de l'avancement des travaux et sur le vu de bons signés par l'architecte et visés par les propriétaires". Comme A. était au bénéfice d'une procuration lui permettant d'exploiter le crédit de construction et qu'il était également le propriétaire formel de l'immeuble ainsi que le maître de l'ouvrage, la banque n'a rien objecté au fait qu'il utilise le crédit de construction à la manière d'un compte courant, donc sous son seul nom et sans présentation de bons d'architecte. C'est dans ces conditions que, de novembre 1988 à mai 1991, A. a débité, à l'insu des autres sociétaires, un montant total de fr. 1'640'008.- du crédit précité, qu'il a affecté à l'achat de bijoux et d'une villa pour sa maîtresse, à l'aménagement de cette villa ainsi qu'au financement d'un salon de beauté déficitaire.

    De mars 1989 à octobre 1990, A., avec B., a en outre débité, à l'insu de C., le compte crédit de construction d'un montant de fr. 20'680.-, qui a été utilisé pour financer des sorties nocturnes sans rapport avec le projet immobilier. Il a encore retiré, sans quittance et à l'insu de C., une somme de fr. 31'300.- que B. avait reçue, en dehors de son mandat d'architecte, entre décembre 1989 et avril 1990.

    c) Lié par une amitié ancienne à A., D. lui a confié, le 8 janvier 1988, fr. 87'000.- pour "être conservés chez lui ou pour placement éventuel selon possibilités". Le 19 juin 1990, D., qui comptait s'installer en Thaïlande, a confié un mandat et une procuration plus larges à A., l'autorisant à traiter, avec toutes les instances communales et cantonales, les affaires pouvant concerner D., ainsi qu'à retirer tous mandats postaux adressés à ce dernier. A. a payé les factures de D. et lui a rétrocédé le solde de l'argent, utilisant toutefois une partie des fonds pour sa satisfaction personnelle. Le 30 décembre 1992, il a débité le compte de D. d'une somme de fr. 7'000.-, qu'il s'est attribuée. Il a admis avoir prélevé et déposé sur son compte personnel auprès de l'UBS un montant de fr. 70'270.- provenant des avoirs de son mandant.

    BGE 127 IV 49 S. 52

    d) De fin 1988 au milieu de l'année 1992, alors qu'ils étaient respectivement administrateur et président de la société E. SA, A. et B. ont exploité leur position pour puiser régulièrement dans les comptes de la société ouverts auprès de la Banque vaudoise de crédit afin de financer des sorties nocturnes sans rapport avec leur mandat. Ils ont pu agir à l'insu du conseil d'administration, en répartissant leurs prélèvements dans des comptes de charges. Le montant total des détournements a été évalué à quelques 60'000 francs.

    En 1990, A. et B. ont en outre retiré fr. 30'000.- du compte de la société à titre d'honoraires de surveillances de chantier. Ils se sont répartis la somme à concurrence de fr. 20'000.- pour A. et de fr. 10'000.- pour B. Ces montants n'ont en réalité aucunement profité à la société anonyme.

    e) Dès 1985, F. et G., employés au cabaret H. à Monthey, ont fait la connaissance de A., qui fréquentait régulièrement l'établissement. En 1991, les deux employés ont acquis le cabaret. A. a mené les tractations avec la Banque vaudoise de crédit en vue d'obtenir les crédits nécessaires. Les nouveaux propriétaires de l'établissement lui ont alors confié un mandat de gestion pour la rénovation de l'immeuble ainsi que pour la comptabilité. A. s'est vu conférer la signature individuelle sur le compte commercial ouvert auprès de la Banque vaudoise de crédit, avec une limite de crédit arrêtée à 1'100'000 francs. Il a abusé de son mandat pour détourner environ fr. 98'000.- entre mai 1991 et décembre 1992.

    f) En 1991, les époux I., avec lesquels A. s'était lié d'amitié, ont vendu quatre cabarets dont ils étaient propriétaires, retirant de l'opération un bénéfice de fr. 6'000'000.-, qui a été réparti sur différents comptes ouverts auprès de la Banque vaudoise de crédit au nom de l'épouse. Le 9 juillet 1991, peu avant le décès de son mari, celle-ci a rédigé une procuration générale en faveur de A., par laquelle elle conférait à ce dernier le pouvoir d'agir en toutes circonstances et en tous lieux au mieux de ses intérêts, en la représentant devant toutes autorités, administrations, régies immobilières ou autres, en gérant et administrant tous ses biens tant mobiliers qu'immobiliers et en prenant toutes les décisions utiles. Après le décès de son mari, elle a confirmé, le 6 août 1991, les pouvoirs ainsi conférés.

    A. a débité abusivement les comptes bancaires de sa mandante, soit en opérant des prélèvements directs, soit en faisant bonifier des sommes sur son compte personnel auprès de l'UBS. Il a en outre fait verser sur ce compte les indemnités, représentant une somme totale d'environ fr. 1'000'000.-, allouées par deux assurances ensuiteBGE 127 IV 49 S. 53

    du décès de Monsieur I. A. a ainsi détourné au total quelques 1'732'961 francs. Il a affecté fr. 1'000'000.- à une promotion immobilière pour le compte d'une tierce personne, dont il répondait en qualité de codébiteur solidaire, a utilisé fr. 380'000.- pour combler des retraits abusifs sur le compte du crédit de construction du projet d'Ormont-Dessous, a financé à concurrence de fr. 64'331.- le train de vie de sa maîtresse et a utilisé le solde pour lui-même.

    g) Considérant que l'accusé, soit parce qu'il n'avait pas de pouvoir décisionnel entier, soit parce qu'il n'avait pas été prévu qu'il soit rémunéré pour ses services, n'avait agi dans aucun des cas en tant que gérant de fortune, le tribunal a estimé que l'abus de confiance qualifié ne pouvait être retenu.

    Le tribunal a par ailleurs constaté que les divers abus de confiance avaient tous été commis avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1995, du nouvel article 138 CP; il a observé que le nouveau droit érige l'abus de confiance simple en crime, alors qu'il s'agissait d'un délit selon l'ancien droit; il en a déduit que l'art. 140 aCP était applicable, parce que plus favorable à l'accusé en ce qui concerne la prescription.

    Examinant la question de la prescription, le tribunal a considéré que les actes de l'accusé constituaient une entité sous l'angle de la prescription; l'art. 71 al. 2 CP était donc applicable; comme les derniers actes commis par l'accusé remontaient au 31 décembre 1992, la prescription absolue n'était pas encore acquise au moment du jugement.

    C.- Par arrêt du 15 mai 2000, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours formé par A. contre ce jugement. Elle a notamment considéré qu'aucun des abus de confiance reprochés à l'accusé n'était atteint par la prescription absolue au moment où elle statuait.

    D.- A. se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral, par le dépôt d'un mémoire motivé et d'un mémoire complémentaire déposés en temps utile. Soutenant que la quasi totalité des abus de confiance retenus sont prescrits, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué, sollicitant par ailleurs l'assistance judiciaire et l'effet suspensif. Ce dernier a été accordé superprovisoirement le 5 juillet 2000.

    Extrait des considérants:

    Considérant en droit:

  2. Invoquant une violation de l'art. 71 al. 2 CP en relation avec l'art. 140 ch. 1 aCP, le recourant fait valoir que, sous réserve de celui qui a été commis au préjudice de D. le 30 décembre 1992, tous les abus de confiance qui lui sont reprochés sont absolument prescrits.

    BGE 127 IV 49 S. 54

    a) Les abus de confiance simples reprochés au recourant, dont le dernier remonte au 31 décembre 1992, ont tous été commis avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1995, du nouvel art. 138 ch. 1 CP et du nouvel art. 70 al. 2 CP. L'ancien droit, sous l'angle de la prescription, étant plus favorable au recourant (cf. art. 2 al. 2 et art. 337 CP;ATF 124 IV 5 consid. 2a p. 6), il a été admis à juste titre qu'il est applicable.

    b) Conformément à l'art. 71 al. 2 CP, si le délinquant a exercé son activité coupable à plusieurs reprises, la prescription...

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